C'est dimanche que se tiendra, à Alger, la conférence nationale sur les universités. Toutes les propositions soumises aux conférences régionales, tenues lundi et mardi derniers, seront étudiées et un projet de texte réglementaire sera élaboré. Objectif : mettre fin à l'imbroglio des équivalences des diplômes. Un défi difficile à surmonter. Depuis la rentrée universitaire 2004-2005, date de l'implication progressive dans l'enseignement supérieur du LMD, les deux systèmes d'enseignement coexistent. Sept ans plus tard, à la généralisation du LMD et le début d'extinction du système classique, le ministère de l'Enseignement supérieur et la Fonction publique cherchent tant bien que mal à trouver des équivalences entre les diplômes obtenus des deux systèmes d'enseignement. Les premières promotions de licenciés et master du LMD commencent à entrer sur le marché du travail pour être recrutés dans la même catégorie que leurs camarades du système classique (selon le décret présidentiel 10-315 de décembre 2010). Mécontents, les diplômés de l'ancien système se sont révoltés. Pour eux, pas question d'aligner les deux systèmes. Le texte en question a été abrogé. Et depuis, le ministère continue à chercher les modalités de correspondance et d'équivalence. Aujourd'hui, est-il réellement possible de mettre en place des passerelles et des correspondances pour l'équivalence des diplômes au niveau de la Fonction publique ? D'après un enseignant que nous avons rencontré, et qui préfère garder l'anonymat, la réponse est négative. «Il est réellement difficile de trouver ces correspondances», selon lui. Décadence L'argument est simple : «Il ne s'agit pas du même niveau et de la même qualité d'enseignement. Une licence classique ou un ingéniorat, à titre d'exemple, qui débute par un tronc commun de deux ans puis suivi d'une spécialisation de deux ou trois ans, n'est aucunement égal au LMD. Il s'agit-là d'une dévalorisation de ce diplôme classique» (voir infographie). Même s'il y a, précise-t-il, certaines spécialités équivalentes en termes d'années d'études avec la licence du LMD, comme le DES, il faudrait alors trouver des équivalences au cas par cas.» Un post-gradué de l'université de Béjaïa ajoute : «La mise en place du LMD était une attitude radicale vis-à-vis de l'université. Aucune étude préalable ni évaluation du système classique n'a été effectuée avant son instauration. D'où la difficulté de trouver des équivalences aujourd'hui.» Il est, selon lui, «impossible de pouvoir aligner les deux systèmes. Le LMD et le système classique sont différents et ce dernier est incontestablement d'un niveau supérieur». Il va même plus loin en affirmant que l'adoption du LMD est un danger réel pour l'Algérie dans la mesure où, d'ici dix ans, ce sont les diplômés de ce système qui seront appelés à occuper des postes de responsabilité. «C'est une décadence.» Une solution ? «Mettre en place une équivalence entre le diplôme d'ingéniorat et le master. L'ingénieur est formé pour accéder directement au monde économique. Il est assez formé pour travailler alors que le diplômé de licence LMD doit compléter ses compétences avec un master.» Le nouveau système favorisé Les propositions concernant les passerelles, émises par les grandes écoles lors des conférences régionales sur les universités qui se sont tenues les 21 et 22 mars suggèrent des correspondances entre ingéniorat d'Etat et master (qualification au grade de master académique). N'est-il pas également aberrant que l'ingénieur passe directement au doctorat ? «C'est étonnant qu'un ingénieur puisse vouloir continuer ses études jusqu'au doctorat», nous répond notre interlocuteur. Ne faut-il donc pas trouver des maillons transitoires ? «Entre les deux systèmes d'enseignement, le nouveau a été favorisé, explique l'enseignant que nous avons sollicité. L'ingénieur d'Etat est classé à l'échelon 13 alors qu'un titulaire de master est à l'échelon 14 ! Une injustice !» Dans la grille de classification des fonctionnaires telle que proposée par les conférences régionales, il est indiqué que les modalités de classification des diplômes du système classique et ceux du régime LMD dans la grille de classification des fonctionnaires doit se faire sur la base du nombre d'années d'études requis après l'obtention du baccalauréat. Il est également question de valorisation de la catégorie appliquée aux ingénieurs. Pas de filtre «Les ingénieurs désirant faire un doctorat doivent, selon la circulaire ministérielle d'octobre 2010, s'inscrire en master II, poursuit l'enseignant. Un ingénieur soumis à un parcours sévère depuis son obtention du bac se retrouve finalement avec ses camarades de master qui, eux, ont été admis sans aucun filtre ! Des injustices qu'il faudrait réparer. Il ne faudrait pas oublier qu'un détenteur du diplôme d'ingéniorat peut facilement avoir un titre d'ingénieur, vu la qualité d'enseignement qu'il a reçue, à l'exemple du système français, alors qu'un diplômé du LMD n'y a pas droit.» Les conférences régionales proposent d'ailleurs de permettre l'accès à la 3e année de licence LMD aux étudiants répétitifs inscrits en 3e ou 4e année d'un cursus classique avec validation des matières acquises par l'équipe de formation. Et de prévoir un cursus de 2e année master spécifique aux candidats provenant de cursus de formations classiques. Il a même été proposé d'établir une attestation d'équivalence au grade de licence pour les étudiants inscrits en 4e ou en 5e année du cursus classique, autorisés à s'inscrire en master. Cette attestation est délivrée par l'établissement d'accueil et n'est valable que dans celui-ci. Deux générations de magistère Si les post-graduants n'ayant pas encore soutenu ou venant juste d'avoir leur diplôme disent être lésés dans leurs droits, ceux diplômés d'avant 1998 crient au scandale. Il faut, en effet, savoir qu'il y a deux générations de magistère. Ceux d'avant 1998, avec une année théorique et des… années de recherches allant jusqu'à dix ans, sanctionnées par une thèse. Et ceux d'après-1998, avec une année théorique et une autre pratique, sanctionnées par un mémoire. Déjà que ces deux générations de l'ancien système ne sont pas égales, les étudiants au master sont loin d'avoir le même cursus universitaire, ni l'esprit de recherche. Ce n'est qu'au palier de master que les étudiants s'initient à la recherche, alors que leurs camarades de l'ancien système ont déjà établi des mémoires en graduation. De plus, pour décrocher un poste en magistère, il faudrait passer par un concours national. Or, les étudiants au master sont systématiquement admis sans aucune condition. Selon certains enseignants, «si le master est au même niveau que le magistère, il faut opérer plusieurs changements. En commençant par le M1 : un semestre théorique suivi d'un semestre pratique. (Pour le classer comme étant un niveau : il faut un mémoire). Et également pour accéder au M2, il faudrait soit un classement par option (exemple les dix premiers) ou bien par des concours. Le M2 doit avoir une année théorique suivie d'une année pratique (faire un mémoire individuel), donc le M2, comme son nom l'indique, se réalise en deux ans. Freiner l'ouverture aux magistères A ce moment-là, on peut classer le master et le magistère au même niveau en Algérie. Il faut savoir également que dans les pays étrangers pour accéder au master, il y a des conditions ou des concours. Mais dans notre pays, les étudiants ne sont pas satisfaits du niveau bac +3 : ils préfèrent tous continuer le master !» Les magistères se disent aussi scandalisés d'aligner ces deux diplômes alors que les étudiants au master sont encadrés par les titulaires du magistère. Le master c'est une année et demie de théorie, suivie de trois à quatre mois de pratique (encadrés généralement par des titulaires de magistère). Le magistère doit quant à lui faire une année de théorie suivie de deux à trois ans (ou plus) de pratique (encadrés par des professeurs et des maîtres de conférences). Le mémoire de master est réalisé par des binômes et celui de magistère est monôme. En plus, il s'agit du premier mémoire réalisé dans leur cursus universitaire, alors qu'au magistère, on en est au deuxième. Autre souci du ministère : les passerelles pour accéder au doctorat à la fin des magistères. Si le magistère est supprimé, comment un diplômé du classique accèdera-t-il au doctorat ? «Il faudrait freiner l'ouverture aux magistères. Car ces derniers finiront par se retrouver en doctorat avec les masters et ils auraient perdu deux ans. L'ouverture des magistères ne sera pas dans l'intérêt des étudiants».