Le passager devait emprunter un chemin étroit décrivant des sinuosités. Il arrive ensuite à Zonca, une ancienne ferme faisant face à une autre appelée Scotto, en référence au nom de son ancien propriétaire. Toutefois, ce passager ne peut en aucun cas ignorer que les étendues verdoyantes qui égayaient autrefois ces environs, furent rabotées pour y laisser pousser contre toute attente, des constructions de part et d'autre de la route de Birkhadem. Ces maisons inachevées sont élevées sur un rez-de-chaussée abritant des locaux commerciaux où l'on arbore de la camelote importée des pays asiatiques. Au détour d'un virage, le promeneur apprend que l'on implorait Sidi M'barek, le saint patron de la localité, pour que le bidonville qui y est implanté soit rasé et les occupants relogés dans des conditions décentes. Arrivé à la hauteur du Clos Saint Jean, le badaud ne retrouve plus les vergers qui furent jadis jalousement entretenus. En pareille saison, des senteurs agréables imprégnaient l'air à plusieurs lieues à la ronde. Le centre-ville. Birkhadem (le puits de la négresse), qui donne le nom à la localité, est situé en face de la mosquée, mais il est dérobé des regards. « Autrefois, on rapportait qu'une négresse y puisait de l'eau pour donner à boire aux passants. De nos jours, le puits est enfoui sous les décombres après qu'il eut été tari. On aurait dû implanter une fresque à cet endroit pour représenter cette scène symbolique », a déclaré M. Gheroufella, économiste de formation et historien par passion. D'après ses déclarations, une mosquée a été édifiée en 1797 sur ordre du dey Hassan Pacha qui recommanda également d'édifier la fontaine de Tixeraïne et celle de Bir Mourad Raïs. Au même emplacement a été érigée l'actuelle mosquée. En face, l'église, l'autre lieu de culte, a été construite dans un style néo-gothique en 1843. Elle a été rénovée en 1928. L'horloge du clocher indique en permanence 11h 40. « Le temps s'est arrêté pour ce lieu de recueillement et de méditation, car il abrite présentement le siège d'un parti politique », a observé un habitant. Et d'enchaîner : « La mosquée avec sa blancheur éclatante et son minaret dressé majestueusement regarde l'église qui fait élever merveilleusement son clocher. On aurait dit que ces édifices annoncent une symbiose ». Aux alentours de l'esplanade de la mosquée, des groupes de jeunes venus de l'intérieur du pays, scrutent les passants. Selon certaines informations recueillies, ils ont fui les hameaux et les douars du Sétifois pour louer leurs bras et gagner de quoi leur permettre d'assurer leur subsistance. Ils se réunissent dans cette vaste esplanade dans l'espoir d'être engagés par un entrepreneur ou un autoconstructeur. « Auparavant, le même endroit grouillait de fellahs. Les exploitants agricoles les engageaient pour effectuer les travaux de champs. Il y avait un savoir-faire paysan qui accordait à la localité plus de splendeur. Celle-ci gardait encore sa vocation agricole », a précisé M. Gherouffela. De tels propos font état d'une preuve irréfutable que Birkhadem a bel et bien perdu sa vocation d'autrefois. « Face à une impunité flagrante des pouvoirs publics, la mafia du foncier s'est acharnée sans vergogne sur les terres les plus fertiles pour les lotir. En un laps de temps, une richesse inestimable et une finesse paysanne ont disparu sous des masses de béton », a précisé le même interlocuteur. Comme pour nous le faire montrer, l'accompagnateur nous a conduit au pas de course à l'école du centre. Une exposition photos y a été organisée par l'association Le Défi. Exhibant certaines photos, l'historien nous dira que Birkhadem a eu le statut de commune rurale en 1835 et celui de commune de plein exercice, en 1856. « Mlle Sentes qui allait devenir quelques années après son mariage, Mme Camus et qui a donné naissance à Albert, le célèbre auteur de L'Etranger, est native de Birkhadem. Nous, Birkhadémois, nous nous considérons comme des oncles d'Albert Camus », a-t-il dit avec fierté. Au terme de la visite, le président de l'association Le Défi et l'historien s'accordent à affirmer que la manifestation culturelle organisée s'assigne à mettre un terme à la clochardisation qui continue de ronger cette commune au passé chargé de richesses.