Le péril est d'autant plus grand que le phénomène commence à se banaliser, mettant en jeu des enfants de tout âge, même des nouveaux-nés, dont l'avenir est déjà compromis par des parents peu scrupuleux dans la plupart des cas. Peut-on demeurer passif devant le spectacle dégradant -qui en dit long sur une société en perte de ses valeurs morales-, de ces femmes mendiant à longueur de journée avec un nourrisson dans les bras, et souvent avec d'autres enfants en bas âge? Qu'il fasse froid ou chaud, elles ne bougent pas. Vous les voyez un peu partout, à la gare routière, dans les artères principales de la ville, sur les parvis des mosquées, aux abords des marchés, sur les escaliers, ou assises sur les marches du…tribunal, à même le sol, tenant un bébé, -qui souvent ne dépasse guère les quelques semaines d'âge-, dans le but de susciter la pitié des passants. Ces pauvres enfants innocents (pour combien de temps encore?) sont exposés à tous les fléaux que recèle une rue hostile, que plus rien ne choque. Ces femmes n'hésitent pas à donner le sein à l'enfant, ou un biberon douteux, dans des conditions choquantes. «Ces pauvres petits sont voués au malheur», fait remarquer un homme sans s'arrêter. Et un autre de donner une obole et de continuer son chemin, la conscience en paix. Le spectacle continue, cependant, sans fin, avec les mêmes scènes et les mêmes gestes honteux. «Ces personnes ont compris que la seule manière de gagner beaucoup d'argent est d'utiliser des enfants, lesquels apprendront à leur tour ce ‘métier' très vite», déplore une dame agacée par le harcèlement dont elle faisait l'objet de la part d'une de ces femmes, qui incitait également sa petite fille à interpeller les passants d'une voix plaintive à faire pleurer les pierres. Des sources à la direction de l'action sociale n'hésitent pas à affirmer que ces gamins sont «loués» à ces mendiants par des parents peu scrupuleux. Ces quémandeurs seraient organisés, selon les mêmes sources, en véritables réseaux. Pourtant la loi est claire: la mendicité est un délit passible de prison. Alors que dire quand c'est un enfant qui en est l'enjeu? L'Algérie a pourtant ratifié la convention internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre 1989, qui garantit à ce dernier la protection parentale et celle de l'Etat, et ce, dans tous les domaines, y compris les loisirs. D'autre part, l'incitation à la mendicité des enfants est comprise dans les délits de maltraitance infantile par l'Unicef. Le péril est donc d'autant plus grand que le phénomène commence à se banaliser, et que ce sont des enfants qui sont pris en otage. Quels genres d'adultes seront-ils demain, au regard de l'indignité dans laquelle on les aura immergés dès leur venue au monde ? Quels seront leurs repères ? Toutes les institutions concernées ont le devoir urgent de réagir, y compris les mosquées et la société civile.