Belle lueur au programme du Festival de Cannes : la projection, à la salle Bunuel, du film japonais Le goût du saké, de Yasujiro Ozu. Cette œuvre possède le degré de perfectionnement le plus haut. Si on aime la poésie japonaise des haikus, ces textes aussi brefs que percutants, si on aime aussi le theâtre Nô, la beauté sereine de la mise en scène d'Ozu dans Le goût du saké (titre original Sanma No Aji) a la même saveur zen. Ozu est décidemment le cinéaste qui a inventé le cinéma zen par la raréfication des mouvements de sa caméra, par la lenteur et la délicatesse de son style. Le goût du saké, c'est seulement la vie quotidienne d'une famille de Tokyo,dans les années soixante. Hirayama,un père veuf, vit seul avec sa fille Michoko qui a l'âge de se marier. Michoko repousse l'échéance de son mariage pour ne pas laisser son père dans la solitude. Elle se sentirait coupable de l'abandonner. Un jour pourtant, Hirayama songe qu'il est temps de penser à l'avenir de sa fille. Un thème qui peut paraître banal. Mais quelque chose de très fort se passe dans Le goût du saké. Très fort aussi et bien douloureux le portrait d'une jeune fille de 17 ans dans le long métrage-fiction de François Ozon intitulé Jeune et Jolie (en compétition). Un portrait en quatre saisons et quatre chansons. Isabelle, jouée par Marine Wacth,est issue d'une famille aisée. Elle est élève du lycée Henri IV à Paris. Elle est entourée d'amis,filles et garçons, de son lycée et son petit frère est très proche d'elle.Pourtant Isabelle se prostitue. Sans aucune raison apparente. Elle prend des rendez-vous tarifés sur les réseaux de rencontres d'internet. On ne sait pas ce qui la pousse dans cette dérive. Est-elle à la recherche de sa sexualité, de ses sentiments,de sa liberté ? Isabelle n'a aucun besoin d'argent. Ses clients, dans les hôtels de Paris, la payent très cher, mais elle ne dépense pas cet argent. Elle semble poussée par une espèce de curiosité entomologique vers le monde des prostituées. Thème difficile,mystérieux : qu'est-ce qui pousse Isabelle, est-ce d'avoir 17 ans et d'offrir ainsi son corps ? Les psychiatres expliquent que la période de l'adolescence est une période de souffrance, de transition compliquée. Et de ce fait, sans doute, cette jeune fille de bonne famille va jusqu'au bout,elle violente son corps jusqu'à l'extrème limite : la protitution. Isabelle aurait pu se droguer comme beaucoup de jeunes, ou devenir anorexique par défi et révolte. Elle a choisi une autre voie extrème et clandestine. François Ozon ajoute dans son film une séquence documentaire quand il filme la classe du lycée d'Isablle, où les élèves récitent et commentent un poème d'Arthur Rimbaud : on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. François Ozon a mené une enquête sur le phénomène de la protitution adolescente en France. Il a interrogé des policiers de la brigade des mœurs parisienne, des psychanalystes.Ce phénomène de société, actuel et très sérieux,garde pourtant tout son mystère. Le film d'Ozon a provoqué un choc au Festival de Cannes.