Notre voyage initial devait s'arrêter à New York, où nous attendaient des amis résidant depuis fort longtemps dans cette mégalopole. Mal nous prit d'avoir choisi une telle ville où le gigantisme s'est fait une place de droit. A vrai dire, nous étouffions. Mon ami, Mohamed Tahar, et moi avions décidé de nous déstresser et surtout de nous divertir et le choix, nous l'avouons, a été mal fait. Nos intentions étaient connues de tous, alors on nous lança : «Pourquoi ne pas aller à Las Vegas ?» Sans aucune hésitation, nous approuvions la proposition. Nous étions à 4h30 de vol de Las Vegas. Nos amis se chargèrent des billets d'avion payés et reçus par internet. Go ! Et viva Las Vegas ! A l'approche de cette ville, nous survolons un désert, puis soudain apparaît un immense lac et comme par enchantement des cimes de montagnes enneigées. Cette neige nous l'observerons à partir de Las Vegas durant tout notre séjour. Qui a dit que Las Vegas est née d'un désert et qu'elle souffre de sécheresse ? La réalité nous prouve tout le contraire. Nous atterrissons à l'aéroport Mc Carran. Nous demandons au chauffeur de taxi, un Dominicain, de nous emmener à l'hôtel Hilton, où nous avions réservé nos chambres. Mais, à notre grande surprise, il nous demanda : «Quel Hilton ?», en fait, il en existe 5 à Las Vegas. Heureusement, que nous avions noté l'adresse sur un bout de papier, qui, après maintes fouilles, se trouvait être dans le passeport de Mohamed Tahar. Nous maîtrisions l'espagnol et le chauffeur, ravi de connaître ses premiers Algériens, nous servira de guide tout le long du trajet. En abordant la fameuse et très longue avenue Strip, il nous indique tous les hôtels représentant des villes, comme les Pyramides, c'était l'Egypte, la Tour Eiffel, Paris, les Gondoles, Venise ou bien tout à fait à la fin l'Oasis, un hôtel, nous a-t-on dit construit par un pied-noir d'Algérie. A notre arrivée à l'hôtel Hilton, nous avons été attirés par une belle statue du king du rock, Elvis Presley, érigée à droite de l'entrée. C'est dans cet hôtel précisément qu'il avait donné ses concerts. L'hommage lui est rendu. Un monde fou était dans cet hôtel qui comptait pas moins de 5000 chambres. A la réception, une Indonésienne, qui avait vu nos passeports, nous lança avec un sourire «Salam alaïkoum oua marhaba». Elle nous confessa qu'elle avait appris l'arabe à travers la lecture du Coran. Elle nous ajouta, je vais vous donner de belles chambres. A l'hôtel déjà, nous avons pu voir l'ampleur des jeux de casino et des paris. Des centaines de machines à sous dans une dizaine de salles gigantesques, des écrans géants diffusant toutes sortes de sports : boxe, équitation, basket-ball et autres, tous suivis par des parieurs. Figurez-vous que toutes les places sont occupées et qu'il faut faire la queue devant les guichets de monnaie et de jetons. En fait, nous sommes allés à Las Vegas pour vivre ce que nous avions toujours vu au cinéma et à la télé : les jeux de lumière, les spectacles et la beauté du site. La première impression que nous avons eue, c'est que Las Vegas est plutôt une ville sympathique, au mieux une sorte de parc d'attractions pour adultes, où tout ce que vous voyez, avec des yeux hagards, vous paraît incroyable et invraisemblable. Si la journée il fait chaud, par contre les nuits sont très douces et permettent ainsi une vie nocturne. Après le coucher du soleil, nous sortions de l'hôtel pour entamer notre balade sur le Strip, cela nous faisait une trotte de 5 km, mais nous nous arrêtions à tous les casinos et hôtels, qui offraient des spectacles à ciel ouvert, de la danse des sirènes, au déluge de feu, en passant par les chanteuses de rue, disons avec un dixième du corps vêtu. Tous les hôtels rivalisent d'imagination, et on est émerveillé comme des gosses à Disneyland. Enumérons quelques-uns, le Treasure Island a un volcan qui entre en éruption, le Ceasar Palace à ses fontaines qui projettent de l'eau à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, le Circus-Circus fait un numéro de cirque et le Bellagio a ses fontaines et jeux de lumière. Dans la rue, une nuée de latinos et latinas, vous proposent avec insistance des prospectus pour des bars de striptease. Des milliers de jeunes se soulent dans la rue, face à des pubs. L'ambiance est à l'extrême «je m'en foutisme». Sachez que dès la tombée de la nuit, Las Vegas est encore plus impressionnante. La ville s'illumine et devient éblouissante. C'est à celui qui en fera le plus pour attirer le maximum de clients. Il vaut mieux ne pas oser imaginer leur facture d'électricité. Juste à l'entrée de l'hôtel New York, impressionnant à l'intérieur, où même les rues de New York ont été reconstituées, nous avons croisé deux couples dont les femmes portent des hidjabs et accompagnés d'enfants. Nous avons osé leur demander s'ils connaissaient des Algériens résidant à Las Vegas. L'un d'eux, avec un accent oriental, appela avec son mobile un Algérien travaillant avec lui à l'université. Le cordon de «ould el bled» est noué. Nous fixons rendez-vous à notre compatriote. Le lendemain, Zoubir Mouaki Benali, un Algérien chercheur, natif de Bab El Oued, devenu chef de département à l'université de Las Vegas, après 40 ans passés aux USA, se pointa à notre hôtel. Avec sa voiture, il nous fait visiter tout Las Vegas. Une aubaine. Puis, il nous conduit chez lui, dans une villa genre ranch de la série «Dallas». Dans la vitrine de son argenterie, une bouteille de «Sélecto» bien de chez nous. Zoubir nous raconta que, nostalgie oblige, durant chaque mois de Ramadhan, cette bouteille est placée sur la table, puis rangée sans être bue. Puis, Zoubir, nous propose de nous rendre au Grand Canyon par hélicoptère. A vrai, dire Mohamed Tahar exulta, mais moi je n'ai pas été du tout enthousiasmé. Car ce genre d'aventure, où le pilote de l'hélicoptère pousse le défi à se lancer contre la paroi de la falaise et redresser sa machine à quelques mètres pour s'élever dans le ciel à 90 degrés, ne m'enchante guère. Je refuse à me plier à ce jeu. Je préfère une tournée en limousine dans les rues de Las Vegas. Un rêve que je voulais réaliser. Devant l'hôtel Bellagio, une série de limousines sont à louer avec chauffeur. Le hasard a voulu que le nôtre soit palestinien. Il était comblé de joie quand il a su que nous étions Algériens. Il nous dit : «Franchement, vous êtes un peuple excellent et nous vous adorons pour tout votre soutien.» La balade terminée, il nous fait un signe de la main pour ne pas payer. Avec insistance nous lui donnons la moitié de la somme. Terminer la visite de Las Vegas dans une limousine, nous pensions que c'était le plus beau cadeau de notre adolescence que nous nous sommes offert. Au risque de copier sur celui qui a dit : «Voir Venise et mourir», nous lui rétorquons : «Voir Las Vegas et cesser de voyager.»