L'impitoyable marathon du festival de Cannes est presque fini. Ce samedi, le théâtre Lumière était encore plein de journalistes pour la projection de presse, mais on prépare déjà les valises. Retour sur quelques productions, en attendant le palmarès. Il a suffit de quelques minutes pour s'apercevoir que Gris-Gris du Tchadien Salah Haroun, montré en compétition, est un film raté, sans le moindre intérêt. Notre attente est très déçue. Le cinéma africain méritait mieux que cela à Cannes. L'histoire du rêve brisé d'un danseur handicapé ne passe pas l'écran. La mise en scène est faible, quasiment inexistante. Tout le scénario tiendrait sur la paume d'une main. C'est une production française des Films du Losange (Paris). Cette boite de production avait refusé le projet de Moufida Tlatli qui voulait tourner une adaptation du roman La Répudiation de Rachid Boudjedra. Au lieu de cela, la production française préfère financer des films mineurs comme Gris-Gris et le propulser à Cannes où il n'a laissé aucun souvenir. En revanche, du savoir-faire d'Abdelatif Kéchiche est sorti une oeuvre fantastique de trois heures. La Vie d'Adèle, adaptation d'une bande dessinée, n'en finit pas de faire des vagues sur la Croisette depuis sa projection. On a oublié son navet regrettable : La Vénus Noire. Les avis sont unanimement élogieux sur La Vie d'Adèle qui pourrait bien figurer en haut du palmarès. On est sorti de la projection de presse en pensant que Kéchiche a fait un travail étincelant. Reste à savoir s'il va toucher les membres du jury de Spielberg où il y a une Australienne (Nicole Kidman), une Indienne (Vidya Balan), une Japonaise (Naomi Kawase)...Kéchiche joue avec brio sur les relations entre deux femmes,un couple qui s'aime et se déchire. Leur relation se bloque et se rompt en raison de leur différence sociale. C'est une histoire de passion, de désir, de remords, de peur de se justifier auprés des autres. Une présence frappante dans le film de Kéchiche : la jeune actrice Adèle Exarchopoulos, sans doute un prix d'interprétation féminine pour sa talentueuse prestation. Diego Quemanda-Diez, cinéaste espagnol, ancien collaborateur de Ken Loach, signe sans doute le meilleur film de la section officielle Un certain regard :La Jaula de Oro (frontières de rêve) mélange fiction et documentaire et suit dans une épopée admirablement filmée le voyage de trois jeunes issus des bidonvilles du Guatemala: Juan, Sara et Chauk qui remontent en train la côte ouest du Méxique vers la Californie,vers la cité de leur rêve: Los Angeles. Durant le voyage, ils sont parfois aidés. Ils trouvent du travail comme ouvriers saisonniers agricoles. Des prêtres les hébergent et les nourrissent. Mais la plupart du temps, ils doivent affronter l'arbitraire des milices, la violence des passeurs et de la police et de toute la faune qui vit sur leur malheur. Ce trio ressemble comme des frères à nos propres haraga qui rêvent d'Espagne et qui n'hésitent pas à risquer leur vie. Ce sont les héros des temps modernes. Ils sont courageux, ils veulent changer leur vie, ils vont jusqu'au bout de leur rêve. Dans La jaula de Oro, il y a un grand contraste entre la beauté des paysages méxicains et la violence omniprésente, le danger qui guette les trois adolescents Juan, Sara et Chauk. C'est une oeuvre cruelle et en même temps poétique qui concourt au festival de Cannes pour la Caméra d'or.