L'éradication des bidonvilles est tributaire de la réalisation de nouvelles cités pour le relogement des milliers de familles. La wilaya de Boumerdès compte 261 bidonvilles, regroupant plus de 7200 taudis. L'éradication de ces «poches de pauvreté» est l'un des plus grands défis à relever par les autorités locales dans les années à venir. La mission ne sera pas facile. D'autant que les contraintes qui empêchent la réalisation des programmes d'habitat dans les délais sont toujours de mise. Les familles (plus de 8000) occupant ces baraques de fortune vivent dans des conditions inhumaines depuis plusieurs années. Paradoxalement, ce sont les communes balnéaires qui sont touchées le plus par ce phénomène de bidonvilisation induit par l'exode rural et la démission des autorités. Selon les informations obtenues auprès de la direction de l'Urbanisme et de la construction (DUC), la localité de Boudouaou EL Bahri compte à elle seule 734 bicoques recensées à travers 13 sites. Le littoral de cette municipalité est complètement défiguré. Même les terres agricoles n'ont pas été épargnées par ce fléau. À Cap-Djenet, on fait état de 595 taudis, dont la plupart sont visibles à partir de l'axe routier longeant la plage familiale. La commune de Bordj-Menaiel compte, quant à elle, l'un des plus grands bidonvilles de la wilaya. Connu sous le nom de «Bastos», le site n'a rien à envier aux favélas brésiliennes. Les familles qui y végètent sont exposées à toutes sortes de maladies à cause de l'insalubrité. La quasi-totalité des habitations sont érigées à l'aide de parpaings et de plaques en zinc. Et elles ne sont raccordées ni au réseau d'assainissement ni à celui d'eau potable. Les eaux usées coulent à l'air libre avant de finir dans l'oued. «Je suis originaire d'Aït Yahia Moussa (Tizi Ouzou). J'ai quitté mon village en 1994 à cause du terrorisme. J'ai acheté deux bicoques à 20 000 DA. Depuis, j'ai adressé plusieurs demandes de logement aux responsables locaux, mais je n'ai reçu aucune réponse», se plaint Nacer, 34 ans. Nacer était âgé de 13 ans quand il avait atterri dans cette «cité de la misère». «Je me souviens comme si c'étais hier. Mon père m'avait inscrit au CEM Hachemi Hamoud pour poursuivre mes études. Chose que je n'ai malheureusement pas pu faire puisque j'ai abandonné deux ans plus tard afin d'aider ma famille. J'ai fait un stage de pâtisserie, mais je n'ai pas réussi. Aujourd'hui je travaille comme receveur chez un transporteur privé», dit-il. Vingt ans plus tard, plusieurs blocs d'habitation ont vu le jour à quelques mètres du bidonville. Certains ont été attribués pour les sinistrés du séisme. D'autres pour les cas sociaux. Les occupants des taudis d'en face n'avaient eu droit qu'à des promesses. Le gouvernement a attendu d'ailleurs jusqu'à 2007 pour inscrire un programme pour l'éradication des cités précaires qui ceinturent les centres urbains et où se côtoient tous les maux de la société. Selon les informations obtenues auprès de l'OPGI, la wilaya de Boumerdès en a bénéficié dans un premier temps d'un quota de 1000 unités ; celles-ci ont été réparties sur les localités de Boumerdès (200), Boudouaou El Bahri (200), Bordj-Menaïel (300), Khemis El Khechna (300). Néanmoins, les services chargés de leur réalisation n'ont pas été à la hauteur de leur mission. Ils n'ont pu construire jusque-là que 340 appartements. Le reste est toujours en cours. Deux ans plus tard, les autorités centrales affectent au profit de la wilaya un programme de 2860 logements RHP, divisé en quatre tranches, sans qu'elles remédient aux problèmes signalés précédemment, tels que la rareté du foncier, le manque d'entreprises performantes et les oppositions des propriétaires terriens. Seuls 440 appartements, prévus au titre du programme de 2009 sont achevés. Aujourd'hui, tout porte à croire que l'éradication des bidonvilles ne se fera pas de sitôt. Les responsables locaux se sont retrouvés face à un double défi, le second étant celui du sort des 14500 chalets, implantés à travers différentes localités de la wilaya au lendemain du séisme de 2003. Le wali affirme (lire l'entretien ci-dessous) que le gouvernement vient d'affecter un quota de 12000 logements en quatre tranches pour le relogement. La nouvelle suscitera, sans aucun doute, beaucoup d'espoir parmi les occupants de ces habitations dont la durée de vie est dépassée depuis plusieurs années. Maintenant reste à savoir si les services concernés parviendront à concrétiser ce rêve et à «éliminer» ces constructions qui font rappeler la catastrophe naturelle qui avait endeuillé la région, il y a 10 ans.