L'intervention de Abdelmalek Sellal a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. Lors du colloque organisé hier à Alger sur les défaillances de la communication institutionnelle, le Premier ministre a demandé aux médias algériens de ne pas trop se focaliser sur la santé du président de la République, hospitalisé en France depuis près de quarante-cinq jours. Sellal a poussé le zèle jusqu'à affirmer que «certains présidents se soignent en France des semaines et des semaines sans que personne n'en parle». On veut des noms, sommes-nous tenté de dire, sachant pertinemment qu'aucun chef d'Etat au monde n'a été soigné récemment sans qu'une communication ait été développée autour de cet événement, car c'en est un, afin de rassurer ses concitoyens. Hugo Chavez lui-même, que l'ont présentait comme un dictateur, avait insisté, avant sa mort, pour que l'on dise toute la vérité aux Vénézuéliens sur son état de santé. L'exemple du «Comandante» n'a pas inspiré le pouvoir algérien. Bien au contraire, au moment où le pays est littéralement paralysé sur les plans politique et économique par la vacance du pouvoir au sommet de l'Etat, ce qui suscite moult inquiétudes chez l'opinion publique, le pouvoir demande à la presse de faire l'impasse sur l'état de santé du président Bouteflika et surtout de ne pas évoquer l'état d'empêchement du Président stipulé par l'article 88 de la Constitution. Et c'est dit lors d'un colloque sur la communication institutionnelle. Le comble ! La communication institutionnelle ne s'improvise pas. La développer, la mettre au service des citoyens résulte d'une politique dite de «bonne gouvernance». Or, la communication n'a jamais été le point fort du pouvoir algérien. Le cafouillage qui a suivi l'agression de Tiguentourine, la gestion de la maladie du Président, les affaires de corruption qui ont éclaboussé des membres du gouvernement ou, plus loin dans le temps, l'assassinat du jeune Massinissa Guermah illustrent parfaitement les tares des institutions de l'Etat dans leur obligation d'informer le grand public. Donc, au niveau du système en place, il est normal que l'on ne donne aucun bulletin de santé du Président, que l'on ne montre aucune image, sans que cela ne soulève de vagues. Les affirmations officielles selon lesquelles Bouteflika se porte bien auraient dû suffire pour mettre un terme à toutes les supputations. C'est là une insulte à l'intelligence des Algériennes et des Algériens à qui l'ont veut faire «avaler» une niaiserie. Absolument rien ne les rassure sur les capacités physiques de Bouteflika pour qu'il surmonte cette épreuve et puisse reprendre les commandes de l'Etat. Ils savent que le pays traverse une période cruciale, voire dangereuse, durant laquelle il faudra faire preuve de beaucoup de sérénité. Ils espèrent que la transition vers une nouvelle ère se fera en douceur. D'autant que derrière ces tergiversations et ces «cachotteries», se cache en réalité une lutte implacable pour la succession de Bouteflika.