Cette affaire a été programmée, hier, après cassation par la Cour suprême du premier verdict prononcé en 2007 contre Bachir Frik, le condamnant à 7 ans de réclusion criminelle. Coup de théâtre, hier, au tribunal criminel d'Alger (qui siégeait au tribunal de Sidi M'hamed, faute de salle d'audience à la cour). Le procès de l'ancien wali d'Oran et de trois autres accusés, les directeurs de l'Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI) d'Oran, M. Makhloufi, et de l'Agence foncière de la commune d'Oran, M. Laoufi, a été ajourné de… 24 heures. «Un scandale», crie Me Miloud Brahimi qui affirme, dans une déclaration à El Watan : «J'ignore ce qui s'est passé derrière les rideaux, mais j'ai honte pour notre justice et sa façon de traiter les droits des justiciables.» En fait, dès l'ouverture de l'audience, en début de matinée, le juge Mohamed Reggad a appelé les trois accusés. Les avocats Miloud Brahimi et Mokrane Aït Larbi se sont constitués pour défendre Bachir Frik, alors que Makhloufi avait pour avocat maître Sidhoum, arrivé un peu en retard. Le juge se rend compte que le troisième accusé, Laoufi, n'a pas de défenseur ; il lui demande : «Où est votre avocat ?» L'accusé : «Je crois qu'il est parti à l'étranger. Il est malade. Pour l'instant, je n'ai pas d'avocat.» Le juge : «Allez-vous en constituer un autre ou voulez-vous que je vous en désigne un d'office ?» L'accusé : «Je vais en constituer un autre.» Me Brahimi s'avance : «Monsieur le président, si vous décidez le report, faites en sorte que l'affaire soit programmée le plus loin possible ou à la prochaine session pour permettre à l'avocat constitué d'avoir suffisamment de temps pour examiner le dossier.» Comme pour le rassurer, le magistrat lui rétorque : «Naturellement.» Il se tourne vers le représentant du ministère public et lui demande son avis. «Nous aurions aimé que le jugement de cette affaire ne soit pas trop retardé, mais nous pensons qu'il est nécessaire de donner suffisamment de temps à l'accusé pour préparer sa défense», déclare le procureur général. Le président se retire de l'audience et après 20 minutes de délibération, à la surprise générale, il annonce : «L'affaire est renvoyée au 10 juin prochain», c'est-à-dire aujourd'hui. Cela veut dire que les accusés doivent rester en prison. La décision tombe comme un couperet, suscitant la colère des avocats. «Le report de 24 heures est une honte pour notre justice. Les accusés ont fait l'objet d'une prise de corps alors que celle-ci ne concerne que les crimes. En dépit du fait qu'ils soient poursuivis pour des délits, ils ont été maintenus en détention. Le juge n'a pas pris en considération l'amendement de la loi en 2006 qui confère la qualification de délit au détournement de deniers publics. Refuser de les libérer, c'est encore une fois violer leurs droits les plus élémentaires, notamment celui lié à leur liberté», déclare Me Brahimi. Pour celui-ci, «il est impossible pour l'accusé, qui va être transféré directement vers la prison, de constituer un avocat ou à ce dernier de consulter les kilos de paperasses en 24 heures. Où sommes-nous ? Est-ce cela la justice de 2013 ?» L'avocat se concerte avec Me Mokrane Aït Larbi et décide d'aller se plaindre au président de la cour d'Alger, ajoutant que la décision d'assister aujourd'hui à l'ouverture de l'audience à été prise «mais uniquement pour mettre tout le monde devant ses responsabilités devant cette grave dérive. Il n'est pas question de cautionner un tel procès. Nous nous retirerons de l'audience dans le cas où le juge persistera à juger l'affaire sans la défense de l'accusé…». A signaler que cette affaire a été programmée pour hier, après cassation par la Cour suprême du premier verdict prononcé en 2007 contre Bachir Frik, le condamnant à 7 ans de réclusion criminelle pour, entre autres, «dilapidation de deniers publics». Les trois accusés poursuivis dans le cadre de ce dossier ont comparu libres après avoir purgé totalement leurs peines de prison.