Le séjour algérois du leader du parti islamiste tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, et son immixtion dans le débat politique national continuent de susciter des interrogations. La finalité de la visite et l'intense activité de l'homme intriguent plus d'un. Officiellement, le numéro 1 d'Ennahdha est venu prendre part à un colloque sur Mahfoud Nahnah, organisé vendredi dernier par le MSP en présence d'islamistes de plusieurs pays. Mais Rached Ghannouchi a multiplié les rendez-vous : rencontre, dimanche, avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, puis avec l'ancien secrétaire général du FLN évincé, Abdelaziz Belkhadem. Il s'est également entretenu longuement avec le nouveau président du MSP, Abderrazak Makri, dont il avait loué «les capacités et l'aptitude à assumer la présidence de la République en 2014». Idole des partis islamistes algériens avec lesquels il partage l'appartenance à l'internationale des Frère musulmans, Rached Ghannouchi était presque en terrain conquis en Algérie. Alors que son parti est en difficulté en Tunisie où il n'arrive pas à instaurer la stabilité après près de trois ans de pouvoir, Rached Ghannouchi semble vouloir redorer son blason à Alger. Il a tenté, en tout cas, de montrer une image d'un «homme charismatique et présidentiable». Une image qu'il souhaite transmettre à l'opinion tunisienne en prévision de l'élection présidentielle décisive devant avoir lieu avant la fin de l'année en cours. A cet effet, le chef de file d'Ennahdha profite amplement d'une dense couverture médiatique. Il accorde de longues interviews à la presse – en a même sollicitées – et a fait des déclarations à des chaînes de télévision, publique et privée, dans lesquelles il s'exprime sur l'actualité tunisienne et des sujets d'ordre régional. De plus, malgré une tentative de corriger le tir à son départ d'Alger, Rached Ghannouchi a, selon toute vraisemblance, montré aux partis islamistes algériens la voie à suivre : s'unir pour soutenir la candidature de Abderrazak Makri en 2014, afin de rééditer «l'exploit islamiste» en Tunisie. Cette orientation et ce parrainage semblent être déjà acceptés par les responsables des différents partis islamistes, en particulier ceux qui forment l'Alliance de l'Algérie verte avec le MSP. Rompu à l'art de la ruse, Rached Ghannouchi a tenté, cependant, de brouiller les cartes et de cacher son jeu en apportant également son soutien au président Bouteflika. «Je ne vois pas pour quelle raison l'Algérie ira chercher aujourd'hui un Président puisqu'elle en possède déjà un qui occupe la place naturelle qui lui sied et qu'il mérite. Il s'agit du frère et ami le président Abdelaziz Bouteflika, puisse Dieu le Tout-Puissant hâter son retour dans la plénitude de ses forces pour poursuivre ses missions», avait-il déclaré, lundi dernier, à l'aéroport international Houari Boumediène avant de quitter Alger. Après avoir délivré ses messages, le chef d'Ennahdha qualifiera plus tard de «pure affabulation» les propos qui lui ont été attribués sur son soutien au président du MSP, Abderrazak Makri. Ce qui peut paraître comme une volte-face semble n'être simplement qu'une ruse comme les islamistes peuvent en pratiquer pour arriver à leurs fins.