Le leader du parti islamiste tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, manie bien l'art de la versatilité ; il adapte son discours en fonction des situations et selon l'auditoire. Il le prouve à l'occasion de son séjour de quatre jours en Algérie où il a été invité par le Mouvement de la société pour la paix (MSP) pour participer à un colloque sur Mahfoud Nahnah. En 24 heures, Rached Ghannouchi a fait deux déclarations contradictoires. Dimanche au siège du MSP, il avait assuré que Abderrazak Makri «est apte à assumer le poste de président de la République (houwa ahloun laha)» en réponse à une question d'un journaliste qui lui demandait s'il soutiendrait une candidature du président du MSP à la présidentielle de 2014. Mais au moment il s'apprêtait à rentrer en Tunisie, il produit un nouveau discours dans lequel il affirme qu'il ne voit pas pourquoi l'Algérie chercherait un nouveau Président puisque le poste est déjà occupé par «son frère et ami Abdelaziz Bouteflika». Le n°1 d'Ennahdha, rapporte l'APS, affirme que «l'Algérie a un Président qui occupe la place qui lui sied et qu'il ne peut y avoir de prétendant à ce poste déjà occupé». «Je ne vois pas pour quelle raison l'Algérie irait chercher aujourd'hui un Président puisqu'elle en possède déjà un qui occupe la place naturelle qui lui sied et qu'il mérite. Il s'agit du frère et ami, le président Abdelaziz Bouteflika, puisse Dieu le Tout-Puissant hâter son retour dans la plénitude de ses forces pour poursuivre ses missions», a-t-il déclaré, hier, à l'aéroport international Houari Boumediène avant de quitter Alger. Le chef d'Ennahdha qualifie, en outre, de «pure affabulation» les propos qui lui ont été attribués sur son soutien au président du MSP, Abderrazak Makri, soulignant qu'il ne lui revenait pas «de proposer la candidature de telle ou telle personne». «Je ne suis pas un électeur dans ce pays, mais je dirais que le poste de Président est occupé par quelqu'un qui le mérite. Je prie Dieu pour le retour de son excellence le Président que nous fêterons tous ensemble», ajoute-t-il. Pourquoi ce double discours ? Rached Ghannouchi a-t-il été rappelé à l'ordre par les responsables du gouvernement ? Il est vrai que le président d'Ennahdha n'a pas à intervenir dans les affaires internes de l'Algérie et désigner aux électeurs algériens le Président qui leur convient. Mais en tentant de corriger le tir, il commet un nouvel impair en s'immisçant dans le débat sur le poste du président de la République en Algérie.