MySpace, Youtube, Facebook… Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux contribuent à faire connaître les artistes algériens, si peu considérés dans leur pays. La fête de la musique continue même ce week-end, profitez-en pour les découvrir. Djezma, Amel Zen ou encore Djmawi Africa ; ce sont autant de noms qui trustent les salles de concert algériennes et dont le grand public ignore souvent le parcours ou l'origine. Et pour cause, ils sont issus de la «scène virtuelle» que met à leur disposition la Toile, à travers Facebook et les chaînes Youtube. Forts d'une visibilité décuplée, ces artistes ont pu enregistrer un album et se révéler au grand public. «C'est actuellement une source inévitable pour un producteur, s'il veut découvrir de nouveaux talents, il peut difficilement faire l'impasse sur Youtube, facebook et les réseaux sociaux», confie un journaliste spécialisé en musique algérienne. Passage quasi obligé pour la découverte ne signifie pas pour autant qu'il faille abandonner l'outil une fois l'enregistrement en studio effectué et l'album dans les bacs. «De nos jours, la promotion via les canaux traditionnels n'est pas évidente et ne garantit pas la réussite du produit sur le marché. Il est clair qu'aujourd'hui, il faut savoir manier convenablement internet pour faire sa propre promotion. Tout cela me fait dire qu'il faut exploiter massivement le Net. Négliger le web 2.0, c'est se vouer à l'échec d'avance», selon Samy Abdelguerfi, chroniqueur musical. L'interprète de Kan I'Kouli visionné plus de 42 000 fois sur facebook, Amel Zen, semble aller dans le même sens. Après avoir financé la production de son album par ses propres moyens, elle s'est naturellement dirigée vers les nouvelles technologies «Pour moi, ça a plutôt été de l'album à Youtube. J'ai commencé par lancer le clip sur internet, et la communauté a tout de suite réagi. Le retour était plutôt positif, ce qui m'encourage davantage. Cet outil permet l'égalité des chances et nous fait découvrir des perles cachées.» Egalité En effet, les réseaux sociaux et autres plateformes de partage ont l'avantage indéniable de mettre tous les artistes sur un pied d'égalité, en ce sens qu'ils sont seuls face à un public qui se fera plus ou moins large selon la qualité de leur prestation. Hakim Cheniti, animateur à Alger Chaîne III fait partie de cette audience avisée. «A chacune de mes programmations musicales, j'essaie de mettre en avant des artistes peu connus que je découvre sur le Net, notamment sur les réseaux sociaux à travers leurs fans pages. Cela me permet d'avoir des informations sur leurs influences musicales et de mieux les présenter à l'antenne. Ce sont des artistes qui méritent vraiment d'être connus.» Internet apparaît ainsi comme un outil formidable s'apparentant à un «bouche à oreille» de nouvelle génération, rapide permettant de dépasser les frontières et de proposer «du consommable et de l'instantané», affirme Samir Chalal, compositeur, musicologue et arrangeur en studio, Et d'ajouter : «Nous n'avons pas attendu pour que le son algérien se positionne dans les charts du monde. Des DJ ont également introduit notre musique. Mais tout cela passe par la technologie numérique.» Beaucoup de spécialistes pointent l'abolition des frontières et de l'espace-temps qu'internet permet, et la scène musicale jouit de cet avantage. Hakim, détenteur de la web radio Hnawelhik, qui a d'ailleurs pour but de promouvoir les jeunes artistes découverts sur le web, en Algérie, et ailleurs, est plein d'optimisme quant au rapport grandissant qu'entretient la musique avec la Toile : «Internet nous a donné une nouvelle façon de voir et de promouvoir la musique algérienne. Plus besoin de gros moyens pour se faire écouter ou se faire voir. Le Net donne la chance aux audacieux qui peuvent se faire repérer par la suite s'ils sont bons. Pour notre part, nous nous attachons à diffuser beaucoup de jeunes talents.» Une égalité donc, pas seulement en termes de public potentiel, mais aussi en termes de moyens financiers, «il suffit juste d'une web radio ou d'un simple micro pour s'enregistrer et les médias sociaux sont là pour diffuser». Hakim voit en internet un canal qui permet aux Algériens de s'exprimer en dialectal plus librement et de donner à voir la culture algérienne authentique au grand jour. Cette proximité de la langue, des sujets abordés dans les chansons est une fenêtre sur une relation plus complice entre l'artiste et ses fans. Amel Zen nous affirme à ce propos que la rapidité et le foisonnement des avis reçus l'ont convaincu à continuer de promouvoir sa musique sur les différentes plateformes de partage. Faux-semblant Si les programmateurs radio donnent leur chance aux artistes découverts au détour d'un clic, c'est encore peu le cas des producteurs algériens qui «restent encore sur des méthodes archaïques. Ils sont peu enclins à l'utilisation d'internet dans leur prospection artistique et c'est dommage», dira notre journaliste spécialisé. Même constat chez S. Abdelguerfi : «Internet et musique, c'est surtout une impression que l'on a. Il faut rappeler que 90% de la scène locale n'a pu créer le buzz sur les réseaux sociaux qu'après son passage à l'émission Serial Taggeur de la radio Alger Chaîne 3. Peut-on donc considérer ces artistes comme des artistes du web ? Non». Pourtant c'est un outil qui permet de centraliser le produit artistique et la réception, une aubaine que les producteurs devraient saisir davantage dans le futur, selon notre spécialiste. Karim Cheniti tient aussi à rappeler que «chez nous, il existe encore la radio crochet, la radio ouvre ses portes à plusieurs artistes et les encourage à travers plusieurs émissions dédiées à la nouvelle scène». Ainsi, il semblerait qu'internet soit davantage un tremplin vers la reconnaissance par les ondes algériennes, élément qui reste encore largement garant de la qualité d'un artiste parmi ses pairs et la communauté de l'édition. Il ne faudrait cependant pas voir en internet un «outil magique et idéal ». Pour notre spécialiste, c'est un vecteur dont l'utilisation nécessite certaines précautions. Les risques sont en effet nombreux. «Certains artistes, à force de vouloir plaire, pourraient perdre leur identité musicale, ce qui les définit. Les artistes sont aussi beaucoup plus jugés sur leur image et leur apparence qu'ailleurs, même s'il existe des contre-exemples, c'est souvent le cas.» Longtemps réputé pour promouvoir une musique peu commerciale, internet quitte peu à peu cette fonction pour promouvoir des artistes à l'image et au style plus lucratifs. En dernier lieu, notre spécialiste souligne que l'accès gratuit aux titres musicaux conjugué à la démocratisation d'internet peut desservir les artistes financièrement et encore plus en Algérie où le marché du disque n'est pas au mieux, et où aucune loi ne vient pour le moment encadrer le téléchargement.