Un arrêté du wali de Tlemcen consistant à plafonner les ventes de carburant pour les véhicules utilitaires à 500 DA et 2000 DA aux camions (10 000 DA précédemment) et à alimenter les stations-service (Naftal et privés) une fois tous les trois jours, particulièrement celles implantées sur la bande frontalière, provoque la colère des citoyens. Depuis la semaine dernière, soit depuis l'entrée en vigueur de cette instruction, des échauffourées quotidiennes opposent les automobilistes entre eux et aux préposés aux stations-service pour une goutte d'essence ou de gasoil. Et chacun rejette la responsabilité sur l'autre. Avant-hier, les habitants de Sidi Boudjenane (daïra de Bab El Assa) ont brûlé des pneumatiques et coupé la route menant aux plages de Marsat Ben M'hidi pour protester contre ce qu'ils appellent l'arrêté scélérat. «C'est quand même bizarre qu'on décide de lutter contre les trafiquants de carburant en sanctionnant les citoyens honnêtes. Si l'on veut éradiquer ou du moins réduire ce fléau, il faudrait surveiller les frontières passoires.» Même revendication des citoyens de Maghnia : «Notre crime est d'habiter une ville frontalière et pour cela, nous devons subir le diktat des trafiquants et l'excès de zèle des autorités. Qui ne connaît pas les trafiquants ici ? Si ces suceurs de notre économie agissent sans impunité, c'est qu'ils ont l'aval de complices hauts placés. Tout le monde paie ici pour traficoter et c'est un secret de Polichinelle.» Les hallaba (trafiquants de carburant) proviennent des 48 wilayas du pays. «C'est un immense réseau qu'ont constitué des contrebandiers en investissant dans des semi-remorques spécialisés dans ce trafic. Ce sont de véritables machines de mort qui sillonnent l'autoroute de jour comme de nuit et que personne n'arrête. Ce ne sont quand même pas des fantômes !», s'insurgent des associations qui disent avoir écrit à la Ligue des droits de l'homme pour dénoncer les abus de l'administration. «Nous aurons recours à d'autres solutions pour exiger le respect des êtres humains que nous sommes et dénoncer les complicités qui font que ce trafic perdure sans impunité…», ajoutent-ils, en colère. A Tlemcen-Ville, les habitants interpellent le wali sur cette invasion impunie des trafiquants : «Avant qu'il ne soit trop tard, le wali devrait réagir rapidement, parce que nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes dans un pays indépendant avec des lois et pas dans une jungle.» Il y a dix jours, des habitants de Hammam Boughrara (12 km de Maghnia) ont déclaré la guerre aux camions immatriculés en dehors de la wilaya de Tlemcen, en les empêchant de passer par leur commune : «Ce sont des mafieux qui sont venus de partout. Ils ont acquis des camions de gros tonnage et loué des maisons ici pour faire ce trafic. On n'en veut pas chez nous. Ils salissent notre réputation et représentent un réel danger pour nous tous.» Et de s'interroger : «Mais où est l'Etat ?» De l'autre côté de la barrière, selon un responsable du gouvernorat d'Oujda, pas moins de 10 000 personnes vivent illicitement du carburant algérien. Pour rappel, en une année, les différents services de sécurité algériens ont procédé à la saisie de 10 millions de litres d'essence et de mazout. La quantité qui passe entre les mailles du filet est estimée à dix fois plus. Si les pouvoirs publics ne trouvent pas en urgence une solution concrète à ce fléau, l'été risque d'être chaud sur cette bande frontalière ouest…