L'image du migrant affamé et dépenaillé ne correspond pas à la réalité de ce que sont, aujourd'hui, la majorité des mouvements migratoires internationaux. Et, contrairement à ce que laissent croire certains discours politiques, le profil socioéconomique de celles et ceux qui ont tenté leur chance ailleurs obéit de plus en plus au principe gagnant-gagnant. Les quelque 600 participants, issus du monde entier, à la Conférence ministérielle sur la diaspora qu'a abritée les 18 et 19 juin le Centre international de conférences de Genève (CICG), semblent, en tout cas, l'avoir bien compris. De notre envoyée spéciale à Genève En prenant la louable initiative de rassembler, pour la première fois, pas moins de 150 délégations et 50 fonctionnaires de très haut rang, l'Organisation internationale pour les migration (OIM) a, en effet, voulu inciter les gouvernements à prendre conscience du rôle crucial que peuvent jouer les diasporas aussi bien dans le développement que dans le maintien et la construction de la paix dans le monde. Comment parvenir à assurer un environnement propice aux fins d'optimiser le potentiel de la participation de ces communautés transnationales, resserrer les liens avec elles, faciliter la mobilisation de leurs compétences et ressources en faveur du développement, lever les obstacles à leur retour, renforcer la coopération et la coordination entre les différents acteurs. C'est ce qu'ont essayé d'expliquer les différents intervenants qui se sont succédé à la tribune du CICG : des ministres des Affaires étrangères, ambassadeurs, secrétaires d'Etat chargés des communautés établies à l'étranger, représentants de diverses institutions, telles que la Banque mondiale (BM), l'Organisation des Nations unies (ONU), l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Fonds mondial pour les diasporas (FMD), le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), des chercheurs issus de prestigieuses universités comme Oxford, la Sorbonne et Harvard, ainsi que plusieurs organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales œuvrant pour la cause des migrants. C'est dans un contexte multilatéral particulier marqué par deux événements majeurs : le 2e dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement et le programme de développement mondial pour l'après 2015 en l'occurrence, que l'OIM a permis à ses hôtes de partager leurs connaissances et d'échanger leurs expériences respectives sur tout ce qui a trait aux diasporas, de débattre des besoins sans cesse croissants exprimés par ces compétences expatriées, de comprendre leurs motivations, de tracer les voies de communication les plus efficaces en vue d'affermir les liens affectifs et matériels avec leur pays d'origine. D'autant qu'il est aujourd'hui clair que «l'intégration des diasporas et des migrants dans les sociétés auxquelles ils participent est essentielle et indispensable pour qu'ils puissent mettre à disposition leur capital humain, social et culturel, et contribuer à la croissance économique en jetant les ponts entre leur pays de résidence et celui d'origine. Grâce à leur position interculturelle, ils sont très bien placés pour s'adapter et contribuer à de multiples communautés et à en devenir des membres à part entière. Ce qui peut renforcer la cohésion sociale et promouvoir l'intégration sociale et économique afin de maximiser réellement les avantages de la migration», a insisté William Lacy Swing, fraîchement réélu directeur général de l'OIM dont le siège est basée à Genève. Comme elle a donné, dans le cadre de ce premier forum mondial au quadruple portée politique, économique, social et culturelle, aux représentants des départements en charge de la gestion des compétences expatriées dans les pays présents une opportunité pour établir des contacts bilatéraux entre eux. Car, «du fait de sa diversité, le potentiel diaspora recèle un large éventail de ressources de mieux en mieux reconnues qui peuvent être mobilisées dans l'intérêt de tous. C'est pourquoi, il est fondamental de comprendre son modèle de fonctionnement et d'élaborer des politiques de diaspora avisées», a souligné pour sa part, Mohamed Abdul Hannan, qui a succédé à Idriss Jazaïri, l'ex-ambassadeur représentant permanent de l'Algérie auprès de l'Office des Nations unies et des organisations internationales à Genève, au poste de président du Conseil de l'Organisation intergouvernementale. Récession et diaspora Forte de quelque 7800 membres, 450 bureaux couvrant plus d'une centaine de pays et impliquée dans plus de 2700 programmes en cours pour lesquels près de 1,3 milliard de dollars/an, en moyenne sont mobilisés, cette dernière, faut-il le préciser, déploie son action dans quatre grands domaines de gestion des migrations qu'elle a elle-même définis, à savoir : la migration assistée, la migration régulée, les mesures à mettre en place face à la migration forcée et surtout le couple migration-développement. Et, c'est justement sur ce dernier domaine que les animateurs des différents ateliers, ont axé les débats. Le vif intérêt suscité par le rapport diaspora-développement était également perceptible dans les discussions en aparté entre participants. En témoigne le souci des retombées de la vague de récession agitant le monde depuis ces dernières années sur les migrants et les diasporas, exprimé à travers les recommandations formulées à l'issue de ce grand événement lequel, s'est félicitée Laura Thompson, la directrice générale adjointe de l'OIM, a marqué un tournant dans la manière dont est désormais perçu le concept «diaspora-développement». Car, a-t-elle tenu à souligner, dans la plupart des discours politiques et l'ensemble des rapports jusque-là établis l'on s'était toujours intéressé aux différents impacts de la migration selon l'origine et la destination des migrants. Les études et les enquêtes ayant servi de base de travail étant traditionnellement axées sur les personnes qui migrent au départ de pays à faible revenu en direction de pays plus riches. La donne a changé et il sera, à l'avenir, tenu compte des mouvements le long de quatre axes migratoires et de leurs incidences sur le développement à savoir : la migration Sud-Nord, Sud-Sud, Nord-Nord et Nord-Sud, a, de son côté, fait remarquer Peter Schatzer, conseiller du DG de l'OIM. D'où l'inscription de la problématique des migrants dans les situations de crise et l'intégration complète les huit points qui seront au cœur des discussions lors du Dialogue de haut niveau des Nations unies, prévu en octobre prochain, à New York, a annoncé Mme Thompson. En somme, les conclusions des travaux du regroupement de Genève ont davantage conforté l'idée d'une nouvelle approche migratoire qui incite à revisiter les conditions dans lesquelles les 285 millions de personnes constituant les diasporas dans le monde peuvent contribuer au développement économique, social et culturel de leur pays d'origine. Les hôtes de Genève sauront-ils tirer les leçons des évolutions actuelles dans le monde sur la mobilité et la mobilisation de toutes ces compétences expatriées ? Une question qui reste posée, en attendant de voir à quoi pourrait aboutir le Dialogue de haut niveau de New York. D'autant que les ministres des Affaires étrangères et les représentants de la Banque mondiale, de l'OCDE et des Nations unies se sont engagés à exiger l'intégration complète des diasporas dans l'agenda politique et tous les programmes de développement. post 2015.