C'est en homme profondément blessé qu'Azouaou Hamou L'hadj a déboulé, hier au siège d'El Watan, pour crier son indignation. Cette figure emblématique de l'Association des victimes d'Octobre (AVO88), amputé du bras gauche suite à la fusillade du 10 octobre 1988, à Bab El Oued, contenait mal sa colère. Et pour cause : Azouaou venait de passer une sale matinée au cimetière El Alia où il a été violemment malmené par la police. «Comme chaque année, je me suis rendu de bon matin au cimetière El Alia pour prendre part à la cérémonie commémorative en hommage au président Mohamed Boudiaf», raconte Azouaou. Peu après la cérémonie, Azouazou se rend, au volant de son véhicule, à un carré de l'immense cimetière où est enterré son frère, Yazid, décédé en 2008. A son étonnement, il se voit pris en filature par des policiers. «Un policier en civil est monté d'autorité dans ma voiture tandis qu'un véhicule de police banalisé s'est mis à me suivre ainsi qu'un 4x4 des services de sécurité. Ils m'ont collé jusqu'à la tombe de mon frère. Ils ne m'ont même pas laissé le temps de lire la Fatiha à sa mémoire.» D'après Azouaou, l'élément déclenchant de cette opération est un simple communiqué du Mouvement citoyen pour les libertés et le développement dirigé par Ali Brahimi, qui était en sa possession. «Ils ont commencé à me poser des questions sur ce communiqué. Après quoi, ils m'ont enlevé mon portable et la clé de contact de mon véhicule», poursuit Azouaou. «En tout, ils m'ont retenu pendant une heure et demie au cimetière sans aucun document légal. C'est un acte de hogra caractérisé. Ils me tenaient des propos vulgaires. J'avais l'impression d'être un voleur ou un terroriste. J'en ai pleuré à chaudes larmes tellement je me suis senti humilié», confie-t-il. A son passage à la rédaction d'El Watan, vers midi, Azouaou Hamou L'hadj n'avait toujours pas récupéré son véhicule ni ses papiers d'identité. Le manchot d'Octobre est peiné de constater que «les mêmes pratiques qui sévissaient au moment des émeutes d'Octobre persistent. Depuis l'amputation de mon bras gauche, les choses n'ont pas changé.». «Avec ce genre de pratiques, ils sont en train de tuer Boudiaf chaque jour», assène Azouaou, avant de lancer : «Vous voulez prendre ma voiture, mes papiers, mais vous ne prendrez pas ma liberté ni ma dignité !» Ces agissements des services de sécurité à l'égard d'Azouaou Hamou L'hadj font écho à une opération de police autrement plus musclée survenue tôt dans la matinée d'hier au siège du Mouvement démocratique et social (MDS), au Télemly, où plusieurs cadres de cette formation politique ainsi que des militants du Front national de la décennie noire ont été empêchés de se rendre au cimetière El Alia pour commémorer le 21e anniversaire de l'assassinat du président Mohamed Boudiaf. Dans un communiqué, le MDS a dénoncé fermement cette campagne policière : «Le coordinateur national du Mouvement démocratique et social, le coordinateur et le porte-parole de l'organisation des gardes communaux et plusieurs de ses membres ont été interpellés à leur sortie du siège du MDS, encerclé par un dispositif policier exceptionnel», indique Yacine Teguia, signataire du communiqué. Et d'ajouter : «Le cimetière était lui-même l'objet d'un encerclement spectaculaire pour empêcher le rassemblement des citoyens et des militants des différentes organisations de la société civile qui avaient appelé à se recueillir à la mémoire du défunt président du HCE.» Le MDS, souligne le communiqué, «s'élève vivement contre ces pratiques arbitraires d'une police politique qui s'abat sur toute activité démocratique (…). Une nouvelle fois, Tayeb El Watani a été ravi aux citoyennes et citoyens de son pays».