Etrangement, le prix du ciment a grimpé vertigineusement ces derniers temps pour atteindre 320 DA le sac chez les revendeurs de ce matériau. Pourtant, aucune augmentation n'a été décidée par l'Entreprise des ciments (ECDE), qui maintient toujours son prix départ usine à 210 DA le sac. Il se trouve même des revendeurs qui ont organisé récemment un sit-in devant la cimenterie pour protester contre les « faibles quotas mis à leur disposition par l'ECDE ». Devant cette situation, la direction du commerce a dû, sur la base des 704 registres du commerce de grossistes de ciment détenus par l'ECDE, mener une enquête sur le marché pour connaître les raisons de cette flambée. Il en ressort, selon le sous-directeur des pratiques commerciales et de la concurrence, que ces perturbations sont dues au monopole exercé par certaines personnes et à l'esprit spéculatif qui anime beaucoup de revendeurs. Pour preuve, il révélera qu'une bonne partie d'entre eux ne dispose pas de locaux commerciaux, alors qu'ils possèdent en bonne et due forme un registre du commerce pour cette activité. « Le premier contrôle a révélé, par exemple, que 44 grossistes à Chlef, 21 à Sendjas, 20 à Ouled Ben Abdelkader, 16 à Oued Sly et 9 à Bouzeghaïa sont totalement dépourvus de structures du genre et procèdent seulement à la vente de leurs bons d'enlèvement. Le gain par bon de 20 t est de 35 000 DA et on peut facilement imaginer le montant encaissé pour les nombreux bons mis à leur disposition à chaque programmation mensuelle établie par l'ECDE », souligne-t-il. Ce n'est là qu'un premier échantillon des investigations effectuées dans ce cadre, car l'opération doit se poursuivre, selon notre interlocuteur, jusqu'à l'assainissement total du fichier de la clientèle concernée, probablement avant la fin de ce mois. Le nombre de revendeurs par commune dépasse aussi largement les besoins et témoigne de l'ampleur du trafic qui touche ce matériau stratégique. La ville de Chlef en compte pas moins de 127, alors que de « petites » communes, comme Bouzeghaïa, Ouled Ben Abdelkader, Oued Sly et Sendjas totalisent respectivement 83, 45, 43, et 22 registre du commerce pour cette activité sans locaux commerciaux. De plus, certains distributeurs privés ont même bénéficié de ristournes que leur accordait l'ECDE sur les quantités annuelles enlevées. Le contrôle a en outre révélé que plusieurs membres d'une même famille ont la qualité de revendeurs de ciment et accaparent des quantités importantes, comme cela été le cas pour deux frères d'une famille connue à Chlef, qui ont obtenu à eux seuls 6000 t durant le seul premier trimestre 2006 ! Les exemples sur le plan sont légion, explique le responsable à la direction du commerce, qui fera savoir que le montant de l'évasion fiscale enregistré durant la période considérée atteint plus de 17 milliards de centimes. Des dossiers sur cette affaire ont été constitués et seront transmis au procureur de la République au courant de cette semaine, nous a-t-il appris. de son côté, le PDG de l'ECDE, Mohamed Meknassi, défend son entreprise dans ce qui arrive et affirme que celle-ci est tenue par l'obligation de résultats et qu'elle doit concrétiser ses objectifs commerciaux compte tenue de la rude concurrence sur le marché et de l'augmentation des capacités de production de l'usine qui sont passées de 1 million de tonnes en 2004 et 2,1 millions de tonnes en 2005. Pour lui, ce qui se passe en dehors du complexe du ciment ne relève pas de la compétence de ses services, allusion sans doute à la flambée du prix sur le marché et à la présence non loin du complexe du ciment d'un café dénommé la Bourse du ciment où les bons d'enlèvement du ciment sont échangés contre des dinars au vu et au su de tout le monde. Il reste donc favorable à un assainissement du fichier de la clientèle citée en vue d'assurer une « maîtrise, une meilleure organisation et un contrôle rigoureux du réseau ». Le problème, à ses dires, ne se pose pas avec les entrepreneurs qui ont des marchés publics et réalisent leurs projets. Ceux-ci, d'après lui, bénéficient de quantités suffisantes et régulièrement, dont la date d'enlèvement est choisie par les intervenants eux-mêmes.