Le calendrier fixé, mardi dernier, prévoyait la fin de l'examen du texte vendredi soir et un vote solennel le mardi 9 mai sur l'ensemble du projet de loi. Mais les travaux ayant pris du retard, le gouvernement a décidé vendredi soir de modifier l'ordre du jour. Vendredi soir, seule une vingtaine d'articles avaient été examinés sur la centaine que compte le projet de loi présenté par Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, et il restait quelque 400 amendements à débattre sur les 600 déposés. La gauche, qui, comme les Eglises chrétiennes, dénonce vivement un texte qui vise à promouvoir l'immigration « choisie » et non plus « subie », défend un par un tous ses amendements. Après de longues heures de débats parfois tendus, malgré les vives critiques de la gauche, l'Assemblée a entériné vendredi soir la mesure qui supprime la possibilité pour un étranger en situation irrégulière depuis plus de dix ans de se voir délivrer automatiquement une carte de séjour temporaire. Le ministre de l'Intérieur a fait adopter un amendement, rejeté par l'opposition, prévoyant la création d'une commission nationale paritaire qui, notamment, précisera les critères d'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière. Dans la nuit de jeudi à vendredi, les députés avaient adopté l'article 12, contesté par la gauche qui le juge « contraire aux droits de l'homme », qui prévoit la création d'un nouveau titre de séjour, la carte de séjour « compétences et talents » accordée, pour une durée de trois ans renouvelable, à certaines catégories d'étrangers tels que des chercheurs, des artistes ou encore des sportifs de haut niveau. Les députés avaient également adopté l'article qui réforme les conditions de délivrance des cartes de séjour temporaires pour les étudiants étrangers. Le Sénat doit examiner à son tour ce projet de loi à partir du 6 juin. Le gouvernement ayant demandé l'urgence, dès le vote par les sénateurs d'une commission mixte paritaire (CMP) Assemblée-Sénat sera convoquée pour mettre au point un texte commun qui sera soumis aux deux assemblées avant la fin juin pour son adoption définitive par le Parlement. Sarkozy, Le Pen et l'immigration L'immigration, encore et encore. Jusqu'à la nausée. A la veille de chaque élection, on prend les mêmes et on recommence. De la haine à longueur de discours. A force de courir derrière son extrême, la droite française a perdu son identité. L'immigré, cet étranger généralement au statut social peu enviable, sert de punching-ball aux candidats de droite dite républicaine et, évidemment à l'extrême droite. La surenchère lexicale donne à voir une droite prisonnière de ses éléments les plus radicaux. Les dérapages de Nicolas Sarkozy sont contrôlés, millimétrés. En s'en prenant aux immigrés, il sait qu'il ne court aucun risque. Dans la société française, c'est le dernier maillon. Et le plus faible. Le courage du ministre de l'Intérieur est une farce. Il relève au mieux d'un cynisme assumé. Kärcher, racaille et maintenant un projet de loi sur l'immigration des plus restrictifs, le candidat à l'Elysée ne s'attaque qu'aux plus faibles. Encore et toujours. C'est le même Nicolas Sarkozy qui a élaboré une loi sur l'immigration, il y a moins de trois ans. Quelle est donc l'urgence d'une nouvelle loi, à moins qu'elle ne réponde à un timing précis pour les présidentielles de l'année prochaine ? Le candidat de 2007 désavouerait-il le ministre de l'Intérieur de 2003 ? Pourquoi autant de zèle ? Qu'est-ce qui a changé en trois ans pour que le thème de l'immigration soit de nouveau d'une actualité si brûlante ? Rien. Sinon que l'immigré a pour vocation de jouer les cache-misère, le bouc émissaire d'une droite à bout de souffle. La fin de règne est lente, l'agonie douloureuse. Il y a un risque pour que l'électeur ne fasse plus de différence entre Jean-Marie Le Pen, Philippe de Villiers et Nicolas Sarkozy. Car cet immigré, tant honni, est paradoxalement souvent français, d'origine africaine ou nord-africaine. L'autre est le voisin de palier.