De nombreux Tunisiens n'ont pas caché leur joie de voir Mohamed Morsi déchu par un soulèvement populaire. «C'est un avertissement aux Frères tunisiens, qui sont mis en garde. Ils doivent faire profil bas, sinon on lancera un mouvement de désobéissance», menace un militant du Front populaire. Contrairement à 2011, cette fois c'est la place Tahrir qui donne du courage à l'avenue Bourguiba. L'ombre du renversement du président égyptien Mohamed Morsi plane sur la Tunisie. Dans ce pays d'où est partie la première révolution arabe, nombreux ceux qui suivaient avec une attention particulière l'accélération des événements en Egypte. Inversement aux insurrections de janvier 2011, le pays du Nil va-t-il inspirer Carthage ? La chute du président islamiste a jeté un froid sur les «Frères» tunisiens, redoutant une contagion, alors que les autorités provisoires, sous la conduite du mouvement Ennahdha, peinent à faire avancer la transition démocratique. Aux difficultés à trouver un consensus politique autour de la rédaction de la Constitution s'ajoute les écueils économiques et sociaux qui plombent le pays. Les rangs de la contestation s'élargissent et le gouvernement perd en popularité, particulièrement depuis l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd. Sentant le vent tourner en Egypte, les dirigeants de la troïka en Tunisie se sont empressés de dénoncer «un coup d'Etat militaire contre Morsi». Le président provisoire, Moncef El Marzouki, et son allié d'Ennahdha, Rached El Ghannouchi, parlent d'une même voix tout en nuançant leurs propos. «Ce qui s'est passé en Egypte montre que nous avons eu raison. Cela va même nous permettre d'élargir le consensus et de convaincre des extrémistes et les courants plus radicaux chez Ennahdha de suivre cette stratégie que je conduis», avait déclaré El Ghannouchi au journal Le Monde. De son côté, Moncef Marzouki a toutefois reconnu l'existence d'un fossé idéologique entre les deux Tunisie : islamistes d'un côté et modernistes de l'autre. «Mais contrairement à l'Egypte, les deux camps ne se combattent pas. Ceci étant, nous devons bien comprendre ce signal qui parvient d'Egypte, faire attention, comprendre qu'il y a de grosses demandes sur le plan social et économique», a-t-il souligné lors d'une conférence de presse conjointe avec le président français. Signe d'inquiétude de la troïka. D'autant que la cote de popularité de l'opposition monte au sein d'une opinion publique éreintée par un quotidien de plus en plus intenable. Béji Caïd Essebssi apparaît de en plus en plus comme une figure en mesure de battre Ennahdha, surtout qu'à gauche de l'opposition, le leader Hamma El Hammami s'est dit prêt à un accord politique avec Nida Tounès. «Le temps n'est plus aux joutes politiciennes mais aux alliances ouvertes à toutes les tendances politiques, à l'exception de la troïka responsable de la situation que vit le pays.» Le chef de file de la gauche radicale accuse «le gouvernement de ne servir ni les intérêts du peuple ni les objectifs de la révolution». En somme, le rapport de forces en Tunisie est en train de changer sensiblement et le tremblement qui a frappé au Caire a eu ses répliques à Tunis. «Il n'est pas sûr qu'un mouvement de l'ampleur de Tamarod voie le jour en Tunisie pour différentes raisons, par contre il est certain que, dans l'esprit de la majorité des Tunisiens, le projet islamiste est vaincu. Nous pourrions matérialiser cette tendance politiquement. Nous allons battre les islamistes par les urnes et casser ainsi le mythe qui consiste à faire croire qu'il est impossible de les battre démocratiquement», assure Mustapha Tlili, un leader syndical tunisien.