Son mari ayant été assassiné et étant confinée dans une fondation qui porte son nom, plus personne n'écoute Mme Boudiaf, si tant est qu'elle a déjà été écoutée un jour. Pourtant, régulièrement, elle fait part de ses opinions sur l'assassinat de son mari. Cette fois-ci, c'est sur la chaîne de télévision à scoops Al Jazeera que la veuve du président s'est confiée au sujet de son mari assassiné sur la chaîne de télévision ENTV. Si Mme Boudiaf, comme la plupart des Algériens, n'a jamais cru à l'acte isolé d'un illuminé surgissant de l'arrière d'un décor enfumé, la nouvelle thèse défendue est celle de « l'acte isolé sans Boumaârafi », c'est-à-dire un Boumaârafi sans Boumaârafi, c'est-à-dire encore un tueur isolé qui n'est pas Boumaârafi. On se rappelle que la commission Bouchaïb avait émis deux rapports contradictoires : le premier évoquait la thèse du complot, le second la théorie de l'acte isolé. C'est cette deuxième thèse qui a été retenue par la justice, dossier donc classé. Faut-il rouvrir le procès, comme le demande Nacer Boudiaf, devant une instance internationale s'il le faut, libérer Boumaârafi comme peut l'interpréter la loi sur la réconciliation ou simplement oublier un assassinat aussi gros en le glissant dans le tiroir de la « tragédie nationale ». Oui ou non, le problème est que Mme Boudiaf a répété ce qu'elle a déjà dit, à savoir que les présidents Bouteflika et Zeroual sont pratiquement d'accord avec elle sur ses thèses. Soit le président Bouteflika estime que Mme Boudiaf a le droit de dire n'importe quoi eu égard à sa douleur et son âge, soit le même président ne peut rien faire sur ce dossier. Le premier cas n'est pas grave, sauf pour Mme Boudiaf. Le second si, pour tout le monde. Deux présidents impuissants devant le meurtre d'un autre président résume toute l'impuissance d'un Etat devant les méfaits de l'Etat.