La chute du pouvoir des Frères musulmans en Egypte et le retour en grâce des pro-Saoudiens au sein de l'opposition syrienne pourraient remettre le Qatar à sa taille naturelle… L'émirat du Qatar, qui, jusque-là, gère, arme, organise et commande la rébellion syrienne, perd petit à petit la main au profit de son «meilleur» ennemi le royaume des Al Saoud. Ghassan Hitto, que Doha a sponsorisé puis intronisé Premier ministre de la Coalition de l'opposition syrienne, a jeté l'éponge, hier, faute de n'avoir pu former un gouvernement, quatre mois après sa nomination. «J'annonce que je ne poursuivrais pas ma tâche de Premier ministre chargé de former un gouvernement intérimaire. Je vais continuer à travailler dans l'intérêt de la révolution pour qu'elle mène à bien tous ses objectifs par tous les moyens possibles», a-t-il indiqué dans un communiqué. Aussitôt, la Coalition nationale de l'opposition syrienne a accepté la démission de Ghassan Hitto et a annoncé qu'elle recevrait «les candidatures pour le poste de Premier ministre dans un délai de dix jours». La célérité avec laquelle cette structure a accepté la démission de Hitto dénote de sa volonté de se débarrasser de «l'homme de Doha». La monarchie wahhabite a vu d'un très mauvais œil la nomination de Ghassan Hitto lors de la réunion d'Istanbul. Réputé proche du mouvement des Frères musulmans, Riyad n'a béni son choix que du bout des lèvres, histoire de ne pas se mettre à dos le petit voisin turbulent qu'est le Qatar. L'Arabie Saoudite aurait aimé placer un salafiste à la place d'un «frérot» pour s'assurer que les rebelles islamistes syriens vont regarder vers Riyad et non pas vers Doha. Mais voilà que ce scénario écrit en collaboration avec les alliés américains, qui goûtent de moins en moins l'agressivité géopolitique du Qatar, a fini par être mis en musique. La revanche de Riyad Bien que Ghassan Hitto ait mis en avant le fait qu'il n'a pas pu former un cabinet pour justifier sa démission, la réalité est tout autre. Ce poulain de Doha sait que ses jours sont comptés après la nomination, il y a trois jours, de l'opposant de longue date Ahmad Assi Jarba à la tête de la Coalition. Un homme connu pour ses atomes crochus avec les dignitaires saoudiens et par ailleurs ses distances avec les «chouyoukh» de l'émirat voisin. C'est donc une cuisante défaite de la diplomatie qatarie qui se voit supplanter par la monarchie des Al Saoud dans la course au contrôle des rebelles syriens et évidemment de la probable future Syrie. Preuve que le départ Hitto est à cataloguer dans la rubrique des défaites politiques du Qatar et d'un changement d'orientation pour les rebelles syriens, ce dernier a précisé qu'il voulait «aider la nouvelle direction de la Coalition à agir en fonction de sa vision politique». Un doux euphémisme de Hitto pour suggérer qu'il n'y a pas de cohabitation possible entre deux courants avec la nomination du nouveau chef de l'opposition syrienne, Ahmad Assi Jarba. Défaites diplomatiques Et comme un malheur n'arrive jamais seul, le Qatar fait face au renversement du gouvernement des Frères musulmans en Egypte qu'il a soutenu et financé contre vents et marées. Deux défaites diplomatiques en quelques jours d'intervalle, ç'en est un peu trop pour le petit émirat qui bombait le torse il y a quelques semaines seulement. Pour beaucoup d'observateurs, cela sonne le glas d'une période faste pour Doha dont la diplomatie de combat agace partisans et adversaires. Cette succession de déconvenues devrait être aussi couplée à l'abdication de l'émir cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani et le renvoi de son «guerrier» de Premier ministre Hamad Bin Jassim (HBJ) par le nouvel émir Tamim. Un changement de casting qui s'est accompagné d'un début de déclin diplomatique pour un petit pays qui a fini par se convaincre qu'il n'a plus l'étoffe de son «statut» régional et international qu'il s'est offert grâce à son carnet de chèques. En perdant pied en Egypte et en Syrie, Doha aura perdu contact avec les deux cœurs palpitants du monde arabe, en attendant la Tunisie et la Libye. Le réveil risque d'être brutal pour le Qatar qui s'est fait trop de «frères» ennemis à force de vouloir grandir vite…