Coup de théâtre : le chef de la Coalition nationale syrienne (CNS), Ahmed Moaz Al Khatib, a démissionné de son poste. L'Armée syrienne libre (ASL) a déclaré hier ne pas reconnaître le Premier ministre, Ghassan Hitto. Le Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères a préféré laisser le soin au sommet des chefs d'Etat de trancher la question de l'accueil de l'opposition syrienne. Il voulait imposer un statut de participant à part entière au sommet de la Ligue arabe, prévu demain et après-demain, à l'opposition syrienne, le Qatar a essuyé un échec retentissant chez lui à Doha. Le Conseil des ministres des Affaires étrangères, réuni hier, a brandi son veto face à la proposition du richissime émirat d'offrir le siège de la Syrie au sommet de Doha à l'opposition. Cette assemblée des MAE arabes s'est en effet bornée, avons-nous appris de sources diplomatiques, à «reconduire le texte de la décision du 6 mars (sur lequel l'Algérie a exprimé des réserves) afin de le soumettre au sommet pour décision». Le Qatar, qui est le principal sponsor de l'opposition syrienne, espérait forcer la main aux autres Etats arabes pour donner leur bénédiction au Premier ministre des rebelles. Mais son lobbying n'a pas payé cette fois. Les ministres arabes des Affaires étrangères ont préféré botter en touche en laissant le soin aux chefs d'Etat d'en décider demain ou mercredi. Et comme un malheur n'arrive jamais seul pour l'émirat du Qatar, au moment où Cheikh Hamad Bin Jassim Al Thani tentait hier de convaincre ses pairs de souhaiter la bienvenue à l'opposition syrienne au sein de la Ligue arabe, son porte-parole, Ahmed Moaz Al Khatib, annonçait sa démission de son poste à la tête de la Coalition nationale, reconnue comme le représentant légitime du peuple syrien. «J'annonce ma démission de la Coalition nationale afin de pouvoir œuvrer avec une liberté que je ne peux pas avoir au sein d'une organisation officielle», a signifié M. Al Khatib dans un communiqué publié sur sa page facebook. De quoi couper le souffle aux responsables de l'émirat du Qatar qui ont redoublé d'ingéniosité et de propagande, via la chaîne Al Jazeera, pour faire avaler aux pays arabes la pilule d'une opposition syrienne unie et représentative. Double impact… Et c'est tout le fragile édifice construit par le Qatar autour de l'opposition syrienne qui s'écroule. La CNS a été en effet créée voilà quatre mois à Doha et M. Al Khatib a été intronisé sous les auspices du richissime émirat. En décidant de claquer la porte de cette structure, Ahmed Moaz Al Khatib jette un sérieux discrédit sur cette CNS et met le Qatar dans de beaux draps.Et comme si cela ne suffisait pas, l'Armée syrienne libre (ASL) a déclaré hier son refus de reconnaître Ghassan Hitto, Premier ministre chargé de gérer les régions syriennes passées sous le contrôle de la rébellion. «Nous, l'ASL, ne reconnaissons pas Ghassan Hitto comme Premier ministre, car la Coalition nationale ne l'a pas choisi par consensus», a affirmé le «coordonnateur politique et des médias» au sein de l'ASL, Louaï Mouqdad. «Elu» il y a à peine une semaine dans un scrutin pour le moins suspect, Ghassan Hitto, tout droit ramené des Etats-Unis, est déjà fortement contesté. Avant même que l'Armée syrienne libre ne livre hier son verdict, une dizaine de membres de la Coalition, dont son porte-parole Walid Al Bounni, avaient décidé alors de geler leur appartenance pour ne pas participer à cette élection qu'ils jugeaient «illégitime». Ironie du sort pour le Qatar qui voulait forcer la main aux Arabes de reconnaître l'opposition syrienne et qui finit par essuyer une double douche froide. La démission du chef de la CNS et le refus de l'ASL de reconnaître l'élection du Premier ministre des rebelles ont fait voler en éclats la volonté du Qatar de «caser» ses amis «syriens» dans le sommet des chefs d'Etat de la Ligue arabe. Plus que jamais, l'opposition syrienne est désunie contrairement à ce que laisse croire l'émirat du Qatar. En diplomatie, cela s'appelle un camouflet.