- La flambée des prix n'est pas expliquée uniquement pas le comportement des consommateurs. Quels sont les autres facteurs ayant entraîné cette hausse injustifiée ? Cette flambée est expliquée par le manque de production. A titre d'exemple, la pomme de terre s'est vendue, il y a trois jours, à 25 DA. Hier et aujourd'hui (lundi et mardi, ndlr), elle est cédée entre 30 et 35 DA.
- Mais les commerçants ont trouvé quand même le moyen d'augmenter son prix de 10 DA…
35 DA le kg reste tout de même un prix abordable. La production de la pomme de terre est tellement importante que les commerçants ne peuvent pas spéculer. L'absence des marchés de proximité gonfle les prix entre le marché de gros et ceux de détail. A titre d'exemple, la pomme de terre est vendue aujourd'hui (hier, ndlr) entre 16 et 20 DA au marché de gros. Au marché de détail, elle est vendue entre 30 et 40 DA. En Algérie, le secteur des chambres froides n'est pas organisé et leurs patrons ne jouent pas leur rôle.
- Il y a ceux qui disent que les prix sont libres du moment qu'on trouve les acheteurs. Y a-t-il une loi qui fixe la marge bénéficiaire à ces commerçants ?
Il y a des activités où la marge bénéficiaire est fixée. Mais on ne peut pas la fixer en l'absence de la facturation dans les transactions commerciales. Qu'est-ce qui prouve que le commerçant a pris une marge de 20% ? Les pouvoirs publics allaient appliquer la loi obligeant les commerçants à travailler avec la facture à partir du 1er avril 2011. Suite aux «émeutes de l'huile et du sucre», des producteurs et des importateurs algériens ont menacé d'augmenter les prix. Cette loi devait être intégrée dans la loi de finances de 2011. Le gouvernement l'a retirée pour mettre fin aux révoltes sur les prix. Concernant la facturation, il ne faut pas que les représentants du ministère du Commerce visent uniquement les détaillants.
- Vous avez estimé le taux de gaspillage à 5 milliards. Comment êtes-vous parvenu à ces statistiques ?
Nos statistiques sont basées sur des informations, des prévisions et des estimations. Elles sont récoltées auprès des opérateurs exerçant dans le circuit de distribution : importateurs, distributeurs, grossistes et détaillants. Les commerçants qui sont en relation directe avec les consommateurs sont en position qui leur permet de savoir combien consomme le citoyen concernant tel ou tel produit. J'ai incité les commerçants dans les différentes wilayas à récolter ce genre d'informations discrètement. L'un d'entre eux m'a informé que son client lui a confié qu'il remplit deux frigidaires deux semaines avant le mois de Ramadhan. Ce comportement est très significatif. C'est une consommation très excessive qui se répercute directement sur le prix.
- Est-ce que cette enquête est représentative ?
D'après les informations récoltées auprès des commerçants et des éboueurs, les familles aisées sont représentables de 70% du gaspillage. La plupart des produits concernés sont subventionnés. Le gaspillage touche également les conserves. Les éboueurs trouvent parfois des boîtes de conserves intactes. Le gaspillage est remarqué aussi dans les restaurants, notamment ceux des hôpitaux et des universités. Ainsi, du pain, des légumes secs… sont autant de produits qu'on retrouve dans des poubelles. Le taux le plus élevé de gaspillage est enregistré dans les ménages. Il y a ceux qui tardent à consommer les produits qu'ils achètent. Ces derniers terminent dans les poubelles. On jette aussi des produits à cause des coupures d'électricité. Il y a des fruits et légumes qui se détériorent au niveau des chambres froides. Les produits importés sont également touchés par ce phénomène. Le retard dans le chargement et le déchargement au niveau des ports est à l'origine de la dégradation de ces produits.
- Qu'en est-il des prévisions de l'UGCAA pour la consommation durant le mois de Ramadhan ?
Les Algériens vont consommer pendant le Ramadhan 10 millions de quintaux de nourriture. Concernant le pain, ils achètent 1 milliard et 400 millions de baguettes durant le mois sacré. Pour le lait, nous achetons 150 millions de litres en sachet et 70 000 tonnes de viandes (rouges et blanches) pendant le même mois. Il n'y a que ce produit qui n'est pas touché par le gaspillage. Le total du gaspillage est estimé à 5 milliards. Si la quantité en produits équivalente de ce chiffre est restée chez les commerçants, l'offre augmente et les prix baissent.