Les opposants au régime de Bachar Al Assad ne veulent plus des djihadistes qui, disent-ils, ont perverti et discrédité leur cause. Preuve en est : des combattants kurdes syriens ont chassé les groupes affiliés à Al Qaîda d'une localité frontalière de la Turquie à la suite de violents combats. Les comités de protection du peuple kurde (YPG) ont expulsé les combattants du Front Al Nosra et de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), ainsi que d'autres groupuscules extrémistes de la localité de Ras Al Ein (nord), par laquelle les djihadistes transitaient entre la Syrie et la Turquie. Le président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, a indiqué hier à la presse qu'«au moins neuf combattants d'Al Nosra et de l'EIIL, et deux combattants kurdes ont été tués dans les combats en 24 heures dans la ville». «Les affrontements ont commencé lorsque des combattants d'Al Nosra ont attaqué une patrouille de combattantes kurdes, qui sont parvenues à s'enfuir», a-t-il encore précisé. Ces accrochages surviennent au moment où les tensions sont fortes entre la rébellion modérée représentée par l'Armée syrienne libre (ASL) et «prise en charge» par les Occidentaux et Al Nosra et l'EIIL, deux groupes terroristes financés par le Qatar et l'Arabie Saoudite. Accusés d'avoir commis de nombreux massacres, Al Nosra et l'EIIL ont perdu beaucoup de terrain ces dernières semaines face à l'armée régulière syrienne. La fin sans gloire du cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, le désormais ex-émir du Qatar, semble avoir ainsi sonné le glas de la kyrielle de groupes djihadistes qui infestent la Syrie. La pire crise depuis le génocide rwandais L'assassinat d'un haut fonctionnaire syrien, hier, à l'aube par des hommes armés dans le sud du Liban, est la preuve par ailleurs que le conflit syrien s'est étendu au Liban voisin où plusieurs attentats à la bombe ont visé ces dernières semaines des quartiers chiites à Beyrouth. Le Hezbollah est un allié de Bachar Al Assad. Cet assassinat est le premier du genre sur le territoire libanais. «Un groupe terroriste a assassiné le directeur de la section politique et des relations internationales au sein de l'Organisation mondiale pour les émigrés arabes, Mohammad Darrar Jamo, devant sa maison à Sarafand, dans le sud du Liban», a annoncé l'agence officielle syrienne Sana. M. Jamo, 44 ans, était surtout connu comme expert politique pro-régime qui apparaissait régulièrement sur les télévisions libanaises. Sur le terrain, les Syriens vivent l'horreur au quotidien. 5000 personnes meurent chaque mois dans le conflit syrien, qui a provoqué la pire crise en matière de réfugiés depuis le génocide rwandais il y a près de 20 ans. Des responsables de l'ONU ont appelé mardi le Conseil de sécurité, divisé sur le conflit, à prendre des mesures plus fortes sur cette guerre, qui a fait depuis 26 mois près de 100 000 morts. «Le nombre extrêmement élevé de morts aujourd'hui – environ 5000 par mois – montre la totale détérioration de ce conflit», a affirmé le secrétaire général adjoint de l'ONU, Ivan Simonovic, devant le Conseil de sécurité. Environ 6000 personnes fuient chaque jour le pays, et l'ONU a recensé environ 1,8 million de réfugiés syriens dans les pays voisins, a indiqué le haut commissaire aux réfugiés de l'ONU, Antonio Guterres. «Nous n'avons pas vu un afflux de réfugiés grimper à un niveau aussi effrayant depuis le génocide rwandais il y a presque 20 ans», a déclaré M. Guterres. Plus de 2 millions de Rwandais avaient fui le génocide organisé par les Hutus en 1994. L'accueil des réfugiés par le Liban, l'Irak, la Jordanie et d'autres pays a «sauvé des centaines de milliers de vies», a estimé M. Guterres. «Cette crise dure depuis bien plus longtemps qu'on le craignait, avec des conséquences humanitaires insoutenables», a-t-il souligné.