Le 6 juillet dans la capitale turque, après trois jours de houleuses délibérations, la CNS a nommé à sa tête Ahmad Assi Jarba, chef de tribu et opposant historique, réputé proche de l'Arabie Saoudite. Longtemps soutenue par le Qatar, la principale plateforme d'opposition de la Syrie semble désormais pencher pour son voisin mais non moins rival saoudien. Les changements intervenus récemment à la tête de la Coalition nationale syrienne (CNS), le regroupement de partis d'opposition désormais interlocuteur privilégié des puissances occidentales et arabes devenues hostiles à Bachar Al Assad, le confirment d'ailleurs assez. Le 6 juillet dernier dans la capitale turque, après trois jours de houleuses délibérations, la formation a nommé à sa tête Ahmad Assi Jarba, chef de tribu et opposant historique, réputé proche de l'Arabie Saoudite. Premier parrain de la contestation, le Qatar – dont l'émir vient de connaître une fin sans gloire – aura échoué d'une manière lamentablement à placer son candidat. Une petite révolution interne qui traduit l'implication croissante, ces derniers mois, de Riyad au détriment de Doha dans la crise syrienne. Le signe également qu'une majorité à la CNS a basculé du côté des Saoudiens qui visiblement sont décidés à reprendre leur rôle de leader dans le monde arabe. Les Kurdes veulent l'autonomie Comment cela a pu de se produire ? Simple. Les Frères musulmans – soutenus à l'origine par le Qatar et qui dominent la coalition – ont tout bonnement retourné leur veste en faveur du candidat des Saoudiens. En récompense de cette «trahison», ils y ont gagné un «petit» poste de vice-président à la CNS. Un repositionnement très étonnant à l'heure où l'Arabie Saoudite fait tout pour empêcher le retour des Frères en Egypte. Conséquence de ces revirements, Ghassan Hitto, proche des Qataris et Premier ministre d'un gouvernement qu'il a échoué à former depuis quatre mois, a démissionné le 8 juillet. Autre indice de l'influence grandissante de Riyad, la chaîne saoudienne Al Arabiya, concurrente de la qatarie Al Jazeera, a célébré avec grandiloquence l'anniversaire de la création de la brigade rebelle Liwa al Tawhid, proche des Frères et jusque-là financée par le Qatar. A ce propos, certains observateurs sont persuadés que les hommes de cette brigade sont eux aussi passés du côté saoudien. Quelle direction prendra «la révolte» syrienne maintenant que l'Arabie Saoudite est aux commandes ? Les Saoudiens privilégieront-ils la solution politique vu que tout le monde sait que le régime de Bachar Al Assad, activement soutenu aussi par la Russie, l'Iran et le Hezbollah, ne pourra pas être vaincu militairement ? Possible. Une chose est sûre, les Kurdes syriens ont décidé de ne pas prendre le risque d'attendre pour connaître la réponse à la question. Inquiets du poids grandissant des groupes djihadistes au sein de la composante militaire de l'opposition syrienne, les rebelles kurdes ont pris l'initiative de rétablir le rapport de forces en leur faveur dans les régions qu'ils contrôlent. Surtout que beaucoup de ces groupes ont commencé à jeter le discrédit sur l'opposition, en commettant des massacres et de nombreuses autres exactions. En veillant à garder le contrôle de leurs régions, les Kurdes entendent bien sûr aussi rester maîtres de leur avenir, leur objectif à terme étant de devenir autonomes. Une trentaine de combattants islamistes et kurdes ont ainsi été tués cette semaine en deux jours de heurts, qui ont abouti à l'expulsion des fondamentalistes de Hassaka, une région frontalière avec la Turquie. Gracieusement payés par le Qatar et l'Arabie Saoudite, les mercenaires islamistes envoyés en Syrie avec l'appui de la Turquie et des Occidentaux au milieu de l'année 2011 pour «briser les reins à Bachar Al Assad» sont également persona non grata pour le commandement de l'Armée syrienne libre (ASL, opposition modérée), dont certains chefs viennent d'être éliminé par des djihadistes du Front Al Nosra. Les djihadistes font éclater la rébellion Depuis, les tensions se sont particulièrement exacerbées entre l'ASL et le Front Al Nosra et l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), deux groupes affiliés à Al Qaîda. Les «accrochages» entre eux sont d'ailleurs devenus très fréquents. Sur le terrain des combats, le vent est en train de «tourner en faveur» de Bachar Al Assad qui a renforcé sa position face aux groupes armés. Cet état de fait le rend incontournable dans toute négociations sur la Syrie. Les Etats-Unis et les autres puissances occidentales, qui ont réclamé son départ, montrent d'ailleurs maintenant des réticences à livrer des armes à ces groupes qui s'avèrent incontrôlables. A ce sujet, l'influent journal américain The New York Times a estimé, dans son édition de jeudi, que la dynamique qui était favorable aux rebelles «s'est inversée». Le quotidien new-yorkais a ajouté qu'au cours des dernières semaines, les rebelles, qui ont commencé à reconnaître la nouvelle réalité, ont non seulement perdu du terrain sur le champ de bataille, mais se sont également aliénés la population syrienne qu'ils disent vouloir libérer, alors que les puissances occidentales se montrent circonspectes quant à la livraison des armes. La preuve : le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a déclaré jeudi, avant la tenue lundi à Bruxelles d'un conseil européen notamment consacré à la Syrie, que la France «n'a pas modifié sa position» de ne pas livrer d'armes létales à l'opposition syrienne. La Coalition nationale syrienne réclame, rappelle-t-on, du matériel antichar et antiaérien pour l'ASL Les Occidentaux redoutent toutefois que des armes sophistiquées tombent aux mains des groupes djihadistes. Jusqu'à présent, les pays occidentaux se bornent officiellement à livrer des équipements militaires non meurtriers et à apporter une «assistance technique» de conseil et de formation aux combattants syriens. En outre, le New York Times note que bien que peu s'attendent à ce qu'Al Assad puisse réaffirmer son autorité sur l'ensemble de la Syrie, même ses plus farouches ennemis reconnaissent que sa position est plus forte qu'elle ne l'a été il y a quelques mois. Le quotidien fait observer que les groupes armés sont en revanche loin d'être unifiés, se tournant, parfois, les armes les uns contre les autres. Pour ce journal américain, tout au long de plus de deux années de combats, les prouesses militaires des deux côtés ont été fortement liées à la «fiabilité» de leurs bailleurs de fonds internationaux respectifs. Concernant ce point précis, le journal américain mentionne qu'Al Assad a reçu un soutien militaire et financier continu de la Russie et de l'Iran, auquel s'ajoute l'apport des hommes du Hezbollah libanais rompus à la guérilla urbaine. Pour leur part, les nombreux groupes rebelles rivalisaient pour des soutiens «irréguliers» de l'Arabie Saoudite, du Qatar et de bailleurs de fonds privés, qui accordent leur soutien selon «leurs propres intérêts idéologiques», soutient le New York Times. Cette situation, reconnaît-il également, a exacerbé les tensions entre les groupes rebelles, à laquelle s'est greffée la montée des groupes affiliés à Al Qaîda, comme ceux du Front Al Nosra et de l'Etat islamique d'Irak et au Levant qui ont fait «éclater la cause syrienne». Bref, la fin de Bachar Al Assad n'est pas pour demain.