«Non. C'est une continuité, car le festival est une institution. Nous croyons fondamentalement à la culture des institutions. Les hommes arrivent et partent, les institutions restent.» Public assez nombreux, vendredi soir à la salle Ibn Zeydoun, à Riad El Feth, pour le lancement de la huitième édition du Festival national de la chanson chaâbi. Un festival qui a changé de main cette année. Il est désormais dirigé par Noureddine Boukhatem, qui a remplacé Abdelkader Bendamèche. La manifestation a également changé de lieu. Par le passé, le festival se tenait dans la grande salle du Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA) et, exceptionnellement, à l'espace Fadéla Dziria à l'Institut national supérieur de la musique (INSM). Faut-il parler de rupture ? «Non. C'est une continuité, car le festival est une institution. Nous croyons fondamentalement à la culture des institutions. Les hommes arrivent et partent, les institutions restent», a précisé Noureddine Boukhatem. Agitateur de talents Cette année, les lauréats des précédents festivals se produisent en deuxième partie de soirée. «Une manière de permettre au public de voir ce que le festival a découvert comme talents et de savoir également où en sont ces jeunes artistes, comment ont-ils évolué… On verra tout cela sur scène», a-t-il noté. Vendredi, Nassim Boor d'Alger et Mourad Zediri de Béjaïa ont été les premiers à se produire, accompagnés par un orchestre dirigé par Omar Tafiani. Les deux artistes ont interprété deux textes du poète Mustapha Toumi, Rayha Wine et Sobhan Allah ya l'tif. Le huitième Festival national de la chanson chaâbie rend hommage au poète disparu, en avril 2013, à l'âge de 76 ans. «Je pense que le chaâbi a de beaux jours devant lui. Le chaâbi représente pour moi le patrimoine, ‘‘Rihet el bled'', La Casbah. Les paroliers du chaâbi racontent de belles histoires dans leurs textes. La force du chaâbi est la parole. Il ne faut pas être un Pavaroti pour chanter le chaâbi. Le public a quelque peu changé. Mais, je crois que nous devons faire en sorte que les jeunes puissent écouter les anciennes qcidate. Je suis venu au chaâbi en écoutant Kamel Messaoudi, puis je me suis intéressé à El Hadj M'hamed El Anka, Amar Zahi et d'autres», a confié Nassim Boor. Le jeune Mohamed Amine Kardjadja de Chlef a été le premier candidat à passer sur scène. Il a interprété un mdih en mode ghrib, Mohamed stfak el bari puis un insraf, Kafou el yamini. «Ce n'est pas ma première participation au festival. J'ai participé à des demi-finales en 2010 et en 2011. En 2012, j'ai été sélectionné pour la finale. Mon but n'est pas d'avoir le premier prix mais d'apprendre. Nous sommes une trentaine de candidats. Et, c'est toujours positif d'être en contact et de discuter», a déclaré Mohamed Amine Kardjadja, élève de l'association Fel El Acil de Chlef. Selon lui, le chaâbi a son public à Chlef où existent plusieurs associations, comme El Hachmaouia, El Afrah et El Othmania (à Ténès) qui perpétuent la tradition musicale populaire. Hania Bakhti est une candidate qui vient de Cherchell. Son grand-père, Ahmed Bakhti, chantait déjà le chaâbi et son père pratique les arts plastiques. Elle a interprété Talet sidi had el ghiba de Kaddour Al Allami et un mkhilès, Makanch ichiiq bhali. «C'est ma première expérience dans ce festival. Une femme qu chante le chaâbi est un véritable défi. C'est un domaine réservé aux hommes. Rien n'empêche la femme de chanter le chaâbi à sa manière. Je veux faire carrière dans la musique chaâbi. Je souhaite trouver de bons paroliers pour éviter les reprises et aller vers du nouveau», a soutenu Hania Bakhti, qui a été formée au sein de l'association Al Qaissaria. Elle est actuellement membre de l'Ensemble national de musique andalouse. Ils font de la nouba Autre candidate, Kahina Hamouche de Tizi Ouzou. Elle a chanté le qcid Al Maouda, en mode ghrib, puis en zidane avant de terminer avec Ya kom salo al habibi, en gobahi. «J'aime bien le qcid Al Maouda qui évoque la situation des filles qui étaient enterrées vivantes dans les temps anciens. J'ai choisi de faire le chaâbi depuis 2004. Je n'ai pas fait de l'andalou. J'ai rejoint un atelier chaâbi à la maison de la culture de Tizi Ouzou. J'ai déjà fait des scènes à Médéa, Ouargla, Aïn Temouchent, Mostaganem et Ghardaïa à la faveur des semaines culturelles. J'ai beaucoup été aidée par le professeur Saïd Bellik et Ould Ali El Hadi, directeur de la culture de Tizi Ouzou», a souligné Kahina Hamouche. Rezki Djamel d'Alger était le quatrième candidat à se produire sur scène en interprétant le qcid Al dhikr sbab koul khir. Dans son allocution d'ouverture, Noureddine Boukhatem a précisé que le festival donne désormais plus de place à la jeunesse. «Nous avons limité l'âge de la participation des candidats de 18 à 40 ans. Nous avons programmé des ateliers de formation pour améliorer l'interprétation des jeunes. Nous voulons renouveler le patrimoine populaire tout en lui restant fidèle», a-t-il dit. Des demi-finales régionales ont été organisées à Chlef, Guelma et Alger pour sélectionner les candidats venus d'une quinzaine de wilayas. Le jury est composé de Dahmane Aïssaoui, Halim Tobal, Kamel Fardjallah, Abdelkader Rezkallah et Habib Chafie. Le maître Boudjemâa El Ankis est le président d'honneur du jury. Des conférences sont organisées jusqu'au mercredi 24 juillet à 15h au cercle Frantz Fanon à Riad El Feth, à Alger, et seront animées par les universitaires Halim Tobal, Yas Saâda, Faïrouz Beramdhan, Mohamed Serir et Athmani Boulerbah. Noureddine Boukhatem a précisé que les thématiques des conférences concernent le domaine de la parole, la sociologie de la chanson chaâbie et l'impact de cette musique sur la société. «Nous voulons que le festival donne une production aussi bien artistique qu'intellectuelle pour permettre aux gens de s'intéresser davantage à la chanson châabi et de faire les recherches nécessaires», a-t-il dit. La soirée de clôture prévue, le vendredi 26 juillet prochain, sera animée par Mustapha Belahcen et Kamel Bourdib.