Les dérivés de crédit sont le dernier-né dans le marché des produits de couverture de risques et de spéculation hors bilan. Suite au grand succès des produits de couverture du risque de taux d'intérêt, de taux de change et de retournement de marché (action), le premier produit dérivé de couverture du risque de crédit est apparu en 1997. Le développement de ce marché fut exponentiel pendant les cinq dernières années et la diversité des produits disponibles répond à un intérêt non seulement de couverture, mais aussi de spéculation et d'optimisation du rendement. Le présent article s'articule autour de deux parties. Une première décrivant l'évolution du marché des dérivés de crédit depuis son apparition et le contexte dans lequel ces produits sont utilisés. La seconde partie porte sur l'intérêt d'utilisation des dérivés de crédit par des pays émergents comme l'Algérie dont les grands équilibres macroéconomiques ont été largement réalisés sans pour autant avoir accès à l'endettement à des taux d'intérêt concurrentiels répondant à leur qualité de crédit réelle. L'intérêt de cet écrit réside dans la description des avantages que présentent les dérivés de crédit comme outil afin de minimiser la marge de risque de crédit pour les pays émergents à fort potentiel mais qui ne sont pas encore ou sont négativement notés pas les agences de notation internationales. Le marché des dérivés de crédit s'est développé d'une manière très significative et aujourd'hui le nominal global échangé excède celui du marché des dérivés d'actions ou encore obligataires d'entreprises. Le marché des dérivés de crédit est un marché de gré à gré (Over the Counter OTC) désigné à transférer le risque de crédit d'une entité économique entre deux contreparties sous un accord bilatéral contre le paiement d'une prime. Au cas où l'entité en question ferait défaut, le vendeur de la protection devra rembourser une partie ou la totalité du principal selon le taux de recouvrement. La prime du contrat dépend de deux principaux paramètres qui sont la qualité de crédit de l'entité de référence et la maturité du contrat qui va d'un à dix ans. L'évaluation de la prime par le marché se résume à l'hypothèse de zéro arbitrage. L'instrument le plus populaire dans ce marché est le Crédit Défaut Swap (CDS) qui peut se référer au risque d'une entité ou d'un ensemble d'entités (indice). Le CDS est très populaire car il fut créé suite à une demande dans le marché financier à l'instar d'autres instruments comme les options américaines créées par des théoriciens financiers, qui n'existent que presque dans les livres de finance. Maximisation du rendement Les investisseurs institutionnels se trouvent face à un objectif de maximisation du rendement sous des contraintes de risque de crédit très limité, ce qui a rétrécit leurs champs d'action. De ce fait, le marché des CDS s'est développé de manière très significative ces dernières années. Selon la dernière étude statistique de la British Banker Association (BBA), le volume du nominal échangé a atteint $12.4 trillions en 2005 alors qu'en 2003, ce montant ne dépassait guère $3.5trillions. Les protagonistes de ce marché continuent à croire que ses perspectives de croissance demeurent très importantes pour les prochaines années. Les intervenants dans ce marché demeurent majoritairement les banques (38%), les sociétés d'assurance (14%) et les fonds d'investissement (13%). La crise argentine a imposé aux investisseurs institutionnels de couvrir le risque de crédit auquel ils sont exposés. Par conséquent, l'achat d'une obligation risquée est généralement accompagné par l'achat d'un CDS. Les banques ont saisi cette opportunité afin de devenir faiseur de marché (Market Maker) de ces produits. Il faut tout de même rappeler qu'en termes de pur risque de crédit, l'émission d'une obligation correspond à une vente de CDS. Les dérivés de crédit permettent à ces intervenants de couvrir le risque de crédit auquel ils sont exposés, transférer ce risque, générer un effet de levier ou augmenter la performance d'un portefeuille, synthétiquement créer un crédit ou une exposition au crédit d'une entité qui n'a pas émis d'obligation dans le marché comme Nokia ou encore gérer les ratios réglementaires du capital. Dans une économie en équilibre, une variété d'entités a un besoin naturel de couvrir, réduire ou encore spéculer sur l'exposition de crédit. Cela inclut les banques (gestion des créances à risque), fonds de pension, compagnies d'assurance ou encore les gouvernements. Chaque type d'intervenant a une motivation économique ou réglementaire afin d'avoir une exposition de crédit limitée. Le premier critère d'une décision d'investissement est la qualité de crédit de l'entité à laquelle l'investisseur sera exposé. En conséquence, la notation de crédit donnée par les agences internationales Standard & Poors, Fitch ou encore Moodys demeure une information capitale pour une décision d'investissement. Pour une notation favorable Les pays émergents, et plus précisément producteurs de pétrole comme l'Algérie, le Venezuela ou encore les pays du Golfe sont sévèrement ou pas encore notés. Par conséquent, le coût d'endettement reste très élevé par rapport à leurs qualités de crédit réelles dans la mesure où le risque de défaut reste faible du moins pour les cinq prochaines années. Les critères de notation pays sont nombreux et ne comprennent pas seulement les réserves disponibles. Il est clair que l'objectif à atteindre est de bénéficier d'une notation favorable qui puisse attirer les investisseurs étrangers. Par contre, les CDS pourraient être un outil intermédiaire de substitution à une bonne notation afin de bénéficier d'un taux d'intérêt de crédit avantageux ou encore d'augmenter le rendement des réserves investies. Le coup d'endettement d'un pays comme le nôtre, n'ayant pas encore une notation de crédit, reste très élevé. Bien que la situation macroéconomique actuelle n'incite pas à l'endettement, il ne demeure pas moins intéressant de réaliser un effet de levier mais à des taux compétitifs ou encore diminuer le coût de la dette non remboursable par anticipation. L'Algérie peut, par le biais d'une banque d'affaire, vendre des CDS sur son propre nom (propre risque de crédit). Ceci permettrait d'encaisser la prime qui diminuerait le coût de la dette existante à des niveaux plus réalistes. La contrainte de cette opération réside dans la double exposition de crédit mais du fait que les prévisions de Goldman Sachs pour un baril de Brent à 100$ se précisent, cette contrainte demeure résiduelle. Par ailleurs, les autorités financières peuvent vendre des CDS sur le risque Algérie à des fins de rendement sans pour autant avoir une dette. Ceci serait de la spéculation mais maîtrisée car on vendrait une couverture sur notre propre risque à des maturités à moyen terme. Le boom des CDS dans les pays du Golfe a eu lieu en 2003. Alors que la prime fut cotée a plus de 100 points de base à cette époque, aujourd'hui la prime cote à moins de 30 points de base ! En conclusion, il faudrait peut-être réaliser que les produits dérivés sont indispensables à la bonne gestion d'une entreprise ou d'un pays. L'Algérie devrait capitaliser des opportunités qui s'offrent à nous grâce notamment à une politique énergétique qui apporte ses fruits depuis une demi-décennie. La non-utilisation des produits de couverture du risque de taux d'intérêt et de change a rendu le budget de l'Etat complètement tributaire de variables exogènes comme le taux libor ou encre l'Euro/$. Aujourd'hui alors que la situation macroéconomique nous offre une visibilité d'au moins trois ans, la vente de CDS sur le risque Algérie donnerait un signe fort aux investisseurs étrangers sur notre capacité à faire face à nos obligations.