Le visiteur de passage à Médéa ne se retient pas quand on lui demande son opinion sur l'état des lieux de la cité. D'un air de désolation apitoyée, il répond spontanément et certainement de cette manière : «C'est une charmante ville, mais sale et envahie par la mendicité qui la défigure.» Un verdict amer pour les habitants qui gardent des souvenirs ineffables d'une époque où la ville millénaire, historique et légendaire, était accueillante et propre. Le cœur de Médéa, à l'exemple des places du 1er Novembre et des Martyrs, constitue une mauvaise vitrine de la ville. De nombreuses familles du Niger squattent depuis des mois le kiosque à musique, situé en plein cœur de la ville, en face de Mesdjed Ennour. L'espace vert de la Saha El Foukania est transformé en toilettes à ciel ouvert aux odeurs infectes. Pourtant, Médéa n'est pas une ville frontalière et se trouve à des milliers de kilomètres du Niger ! Comment ces enfants en bas âge ont-ils pu supporter dans des conditions difficiles ce rude et long déplacement à travers le désert saharien ? Devant cette situation inadmissible de dégradation d'un espace qui fait la vitrine de la cité, et surtout baptisé au nom d'une valeureuse et symbolique. Une date symbolisant le déclenchement de la guerre de libération, si chère à tous les Algériens. Les habitants de Médéa se demandent, aujourd'hui, pourquoi avoir toléré cette «agression», cette insulte à la mémoire collective. Comment justifier ce silence assourdissant des responsables locaux, censés pourtant veiller à une gestion saine de la ville ? Aussi, ces familles comptant des enfants en bas âge, dont le nombre ne cesse de croître, se livrent à un spectacle désolant, à travers toutes les artères de l'agglomération. Elles n'acceptent que l'argent en espèces, alors que la nourriture, donnée par des bienfaiteurs, est jetée. Les automobilistes coincés dans des bouchons sont aussi agacés, au quotidien, par ces gamins et gamines aux pieds nus,en guenilles, qui ne lâchent pas prise, s'accrochant aux automobilistes et faisant tout pour les convaincre de glisser quelques pièces dans un bol en plastique, réservé à cet effet. Le fléau de la mendicité a pris ces dernières années des proportions inquiétantes à Médéa. Il est aggravé par l'arrivée en masse de mendiants étrangers, notamment nigériens et syriens.