Sur les six périmètres d'irrigation existants dans la wilaya de Tizi Ouzou (cumulant 1457 ha), celui de Djebla (daïra de Ouaguenoune) est le plus important avec 500 ha. Datant de l'époque de la « révolution agraire », le barrage de Djebla n'en finit pas d'alimenter le ressentiment des fellahs. « Aujourd'hui, le barrage est pris d'assaut par les pêcheurs et les pique-niqueurs. Après leur départ, ils laissent derrière eux des bouteilles et autres emballages », nous dit un agriculteur exhibant un sac en papier plein de tessons de verre et de boîtes de conserve « ramassées dans les champs alentour ». Pour puiser l'eau du barrage et irriguer leurs champs, les exploitants doivent eux-mêmes apporter leurs motopompes et installer les conduites « C'est une pratique à haut risque. Nous avons connu, au moins, cinq vols nocturnes de moteurs, et les bandes de malfaiteurs s'en sont pris à nous avec des armes blanches », précisera notre vis-à-vis. Réalisé dans les années 1968-1970, le barrage de Djebla est d'une capacité de 3 millions de mètres cubes, « mais seuls 180 ha (80 exploitants) sont actuellement alimentés à partir de ce barrage », apprend-on auprès de la subdivision agricole de Ouaguenoune. Les fellahs qui tentent, tant bien que mal, de puiser l'eau à partir de ce barrage pour leurs cultures (pastèques, haricot vert, piment, tomate, pomme de terre et fourrage) ne cachent pas leur mécontentement. « Le barrage est en piteux état et envasé. Il tend à devenir un réceptacle de tous types de déchets. Des personnes sans scrupule y jettent parfois les carcasses de leurs bêtes mortes et le roseau a gagné tous les abords », s'écrie un fellah qui souligne le manque d'entretien de cette grande réserve. A la subdivision de l'hydraulique de Ouaguenoune, on apprend que « l'envasement du barrage de Djebla n'est que de 10%. Une opération de réhabilitation et de rénovation vient de s'achever sur ce périmètre d'irrigation et ses conduites d'eau ». « Un premier tronçon de 4800 ml a été refait, et l'équipement hydroélectrique a été renouvelé et sera installé incessamment. La relance de ce périmètre d'irrigation est prévue dès que l'Office national des périmètres d'irrigation et de drainage, à qui sera confiée la gestion, s'installera », ajoute-t-on par ailleurs. Fellahs en difficulté Par le passé, les pouvoirs publics avaient tenté de sensibiliser les agriculteurs irriguants pour s'organiser et prendre en charge la gestion de ce périmètre, mais il semble, selon nos interlocuteurs, que cela n'ait pas donné les résultats escomptés. « Qui de nous pourrait assumer une telle responsabilité sachant que cette mission exige des connaissances techniques pointues ? », s'interroge notre source. De la relance du périmètre d'irrigation de Djebla dépend celle de l'activité agricole dans la région de Ouaguenoune et Timizart et l'attente est très grande chez les fellahs locaux. « Autrefois, grâce à l'irrigation, avec 18 q de semences, je produisais une centaine de quintaux de pommes de terre. Aujourd'hui, j'ai abandonné toute ambition », regrette un ex-agriculteur, rencontré sur place, reconverti à l'élevage. Selon lui, « l'engrais coûte 3 500 DA le quintal, l'ammoniac 3600 DA/ql, alors que le gasoil est à 3000 da pour un fût de 200 l. Quant aux produits phytosanitaires, on préfère s'en passer car trop chers et inefficaces ». « La semence de l'haricot est à 420 da/ kg et celle de la pomme de terre à 70 DA/kg et la récolte est cédée à 15 DA/kg. Comment peut-on travailler encore les cultures maraîchères avec des prix pareils ? », se demande-t-on. Dans un rapport présenté, le 23 avril dernier, lors du conseil de wilaya sur l'hydraulique à Tizi Ouzou, la DHW affirme que la dissolution des offices des périmètres irrigués est due aux difficultés financières et de gestion (frais de personnels et d'énergie, notamment), tout en précisant qu'à Tizi Ouzou, il n'existe pas encore de structures pour gérer les retenues collinaires et les périmètres irrigués. C'est ainsi qu'un arrêté du wali datant de 1993 a porté sur la création des offices des périmètres irrigués et de mise en valeur. Mais, selon le même rapport de la DHW, le cumul des charges sur ces structures les a lestées au point de devenir non opérationnelles dans les années 1996 et 1997. Un état de fait qui amena les services agricoles, ayant la charge de gérer les activités hydro-agricoles entre 1994 et 2001, à suggérer leur dissolution. Mais pour l'heure, les fellahs de Djebla attendent toujours.