Les tambours de guerre sont aux portes de la Syrie. Des discours fermes aux relents guerriers, Londres qui envoie des avions à Chypre, Chuck Hagel qui assure que les forces américaines «étaient prêtes» et Hollande qui annonce que «tout va se jouer cette semaine». Autant de signes annonciateurs d'une intervention militaire imminente menée par les puissances occidentales contre le régime syrien. Et selon une information répercutée par l'agence Reuters, les pays occidentaux ont déjà informé les rebelles syriens d'une attaque imminente. Le plan de guerre se met ainsi en place et une coalition internationale se dessine, alors que les conclusions des inspecteurs de l'ONU sur les présumées utilisations d'armes chimiques par le régime de Bachar Al Assad n'ont pas été encore divulguées. Washington en première ligne d'attaque mène une offensive diplomatique sur plusieurs fronts pour rendre irréversible une action militaire. Lundi soir, le secrétaire d'Etat, John Kerry, a donné le ton. «Des armes chimiques ont été utilisées en Syrie. Le président Obama pense que ceux qui ont recours aux armes les plus atroces contre les populations les plus vulnérables de la planète doivent rendre des comptes», a fulminé Kerry. Son collègue de la Défense, Chuck Hagel, ne fait pas non plus mystère des intentions de Washington. «Les forces armées sont prêtes pour une action militaire en Syrie si le président Barack Obama donnait son aval. Nous sommes préparés. Nous avons positionné des éléments pour être capables de répondre à toute option choisie par le Président», a détonné, hier, dans une interview à la BBC. Des appels pressants pour réduire à néant l'arsenal militaire du régime de Damas, même si pour le moment le président américain n'a pas encore dévoilé ni pris de décision sur la forme que prendrait l'éventuelle action. Cependant, son porte-parole, Jay Carney, s'est chargé d'affirmer qu'il est «dans l'intérêt des Etats-Unis et de la communauté internationale d'agir». La France, un des importants soutiens diplomatiques de la rébellion syrienne, ne se «dérobera pas à ses responsabilités» en Syrie, fuite l'Elysée. Dans un entretien au Parisien, le chef d'Etat français, François Hollande, est ferme. «Tout va se jouer cette semaine. Il y a plusieurs options sur la table qui vont du renforcement des sanctions internationales aux frappes aériennes en passant par l'armement des rebelles. Il est encore trop tôt pour se prononcer de façon catégorique sur ce qui va se passer. Les experts de l'ONU vont enquêter sur place. On laissera aussi un peu de temps au processus diplomatique. Mais pas trop non plus. On ne peut pas rester sans réagir face à l'utilisation d'armes chimiques», a-t-il confié. Enfilant la tenue de combat, Hollande a affirmé que son pays «est prêt à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents en Syrie, où la guerre civile menace aujourd'hui la paix du monde». Outre-Manche, l'option d'une intervention militaire est presque entérinée. Reste seulement les préparatifs des plans d'action et les moyens à mettre au service d'une coalition «mondialisée». «Le Royaume-Uni prépare des plans dans l'éventualité d'une action militaire en réponse à l'usage présumé d'armes chimiques en Syrie», a déclaré, hier, un porte-parole du Downing Street. «Aucune décision n'a été prise pour l'instant. Nous continuons à discuter avec nos partenaires internationaux de ce que la réponse appropriée doit être, mais dans ce cadre, nous préparons des plans militaires pour le cas échéant. Il s'agit d'examiner comment empêcher l'usage d'armes chimiques parce que c'est quelque chose de totalement abject et contraire au droit international», a-t-il précisé. Les Britanniques auraient déjà envoyé des avions de guerre à Chypre qui servirait probablement de plateforme d'attaque, selon The Guardian. Et comme pour appuyer le choix d'une action militaire, l'ancien Premier ministre britannique et néanmoins émissaire du Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, Union européenne, ONU), Tony Blair, a estimé dans une tribune publiée dans le journal The Times, qu'«il faut agir. Les gens grimacent à la pensée d'une intervention. Mais il suffit de réfléchir aux conséquences futures de l'inaction pour frémir : la Syrie en proie au carnage, entre la violence d'Al Assad et de divers affiliés à Al Qaîda, terreau pour l'extrémisme infiniment plus dangereux que l'Afghanistan dans les années 1990. Nous savons ce qui se passe en Syrie, nous savons qu'il ne faut pas laisser cela se produire», écrite-t-il. Les Alliés contres les pays de «l'Axe» Isolé au plan diplomatique, la Russie, seule face au monde, tente d'éviter une attaque militaire contre la Syrie. Indéfectible soutien du régime de Bachar Al Assad, Moscou ne désespère pas de voir la solution politique l'emporter. Ultime chance pour Poutine pour sauver «le soldat» Bachar. Très actif, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a exhorté, hier, la communauté internationale à la «prudence» en Syrie, avertissant qu'une intervention militaire aurait des conséquences «catastrophiques» pour les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Il cherche à ramener le débat au sein du Conseil de sécurité de l'ONU où il serait facile pour la Russie de bloquer l'attaque de la Syrie en brandissant le veto. «Les tentatives visant à contourner le Conseil de sécurité de l'ONU, de créer une fois de plus des prétextes artificiels et infondés pour une intervention militaire dans la région, vont provoquer de nouvelles souffrances en Syrie et auront des conséquences catastrophiques pour les autres pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord», a mis en garde le ministère russe des Affaires étrangères. Il appelle les Américains et tous les membres de la communauté internationale «à la prudence, à un strict respect du droit international, avant tout fondé sur les principes fondamentaux de la Charte de l'ONU». Moscou a vécu comme un camouflet l'annulation par Washington d'une réunion prévue avec la Russie sur la crise syrienne à La Haye. «Sérieuse déception», estiment les Russes. Dans le conflit syrien qui risque d'embraser toute la région se joue également une guerre géostratégique entre les Alliés (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) et les «pays l'Axe» (Russie, Iran, Chine). Le régime de Damas : se rendre ou se défendre ? Dans l'œil du cyclone, le compte à rebours du pouvoir de Bachar Al Assad a-t-il commencé à ce stade de tension diplomatique et militaire ? Damas n'abdique pas du moins pour le moment. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, se montre confiant et affirme que son pays se défendrait en cas de frappe militaire occidentale et qu'il disposait de moyens de défense qui surprendraient le monde. «Nous avons deux options : soit nous rendre, soit nous défendre avec les moyens dont nous disposons. La seconde alternative est la meilleure : nous nous défendrons. S'en prendre à la Syrie n'est pas une mince affaire. Nous avons des moyens de défense qui vont surprendre», a-t-il affirmé, hier, lors d'une conférence de presse. Le chef de la diplomatie syrienne a fustigé ceux qui veulent attaquer son pays sans apporter la moindre preuve sur les armes chimiques. «Nous entendons les tambours de la guerre autour de nous. S'ils veulent mener une agression contre la Syrie, je pense qu'utiliser l'alibi des armes chimiques n'est pas exact du tout. Je les mets au défi de montrer ce qu'ils ont comme preuves», a-t-il défié. Et pour titiller les Arabes, Mouallem estime qu'une intervention militaire internationale ne servirait que les intérêts d'Israël et d'Al Qaîda. «L'effort de guerre mené par les Etats-Unis et leurs alliés servira les intérêts d'Israël et en deuxième lieu, le Front Al Nosra (front local d'Al Qaîda)», a-t-il prévenu. En somme, devant ce déluge de déclarations de guerre et de mobilisation militaire générale, le monde retient son souffle. Le Moyen-Orient est sur le point de se transformer en terrain d'une autre guerre qui risque de le dévaster.