Amar Saadani a été élu secrétaire général du FLN, lors d'une élection dont la partition et les acteurs avaient été soigneusement préparés. Il fait une drôle de tête Amar Saadani au moment où le porte-parole de la commission de candidature annonce son élection. Pas un sourire, malgré les très nombreux militants qui se jettent dans ses bras pour le féliciter, ni lorsqu'une nuée de photographes se presse pour immortaliser l'instant. L'homme reste de marbre, comme s'il venait de réaliser que cet instant de grâce n'allait pas durer longtemps et que les difficultés allaient rapidement l'assaillir. Le candidat d'El Mouradia connaît trop bien les coulisses du système pour ne pas ignorer que les très nombreuses casseroles qu'il traîne depuis des années allaient refaire rapidement surface. «Saadani n'est pas naïf, juge un membre du comité central sous le couvert de l'anonymat. Il sait très bien que cette élection peut se transformer en calvaire. Il est soutenu par le clan du Président, mais il a contre lui l'autre force du système qui fera tout pour lui pourrir son élection.» Pourtant, hier à El Aurassi, ils sont venus nombreux assister à son élection. Seule une centaine de membres a refusé de cautionner le vote. Même Abdelhamid Si Affif, qui tenait des propos très durs, il y a une semaine, contre le camp Saadani avait fait le déplacement. L'homme paradait parmi les journalistes et assurait de son «estime» et de sa «considération» au nouveau maître des lieux. Chronomètre Hier, en quinze minutes, l'élection de Amar Saadani fut réglée. Elle fut rondement menée. Pour éviter toute mauvaise surprise, l'élection a eu lieu avec un seul candidat. L'urne posée face à la tribune, les enveloppes et bulletins, soigneusement disposés sur la table ne seront jamais utilisés. Rapidement, les autres prétendants furent priés de rester en dehors du jeu. Seul Mustapha Maâzouzi, qui avait annoncé fièrement sa candidature la veille, restait en lice avant qu'il ne vienne à la tribune déclarer d'une voix chevrotante son retrait au profit du «frère» Amar Saadani, pour le «bien du parti» et qu'il se dirige en larmes dans les bras du futur patron du parti. «Ils ont fait en sorte de ne pas avoir d'autres candidatures que celle de celui qui était désigné pour gagner, analyse un membre du comité central. Ils n'ont pas voulu prendre de risque avec une élection à bulletins secrets.» Les statuts du parti sont clairs : au cas où il n'y a qu'une seule candidature, le vote a lieu à main levée. Donc hier, 270 mains se sont tendues pour avaliser la victoire de Amar Saadani. Seule le Dr Hafsi, vieux militant du parti, a osé gâcher l'unanimisme qui était prévu, en votant contre. C'est donc un Amar Saadani auréolé d'un score qui ferait pâlir de jalousie les anciens membres du Politeburo au temps de l'URSS, qui s'est s'adressé aux membres du comité central. Dans une longue déclaration, le nouveau patron du premier parti d'Algérie s'est voulu conciliant avec le camp adverse. Il a appelé à «l'unité du parti» et demandé à ses troupes d'«éviter toute invective ou esprit de revanche». Rumeurs Cette élection sans surprise débuta pourtant par une succession de rumeurs. Dans les salons feutrés de l'hôtel El Aurassi, des membres du comité central distillaient des informations aux journalistes qui ont eu le droit à l'annulation pure et simple de la réunion, suite à une décision prise par le DRS. Mais il fut également question d'une rencontre qui aurait eu lieu le matin même au ministère de la Défense nationale entre des moudjahidine de la Wilaya 4, venus déclarer leur opposition à cette élection, et Ahmed Gaïd Salah, le chef d'état-major de l'armée. «Cette réunion va avoir de graves conséquences. Ce passage en force du clan Saadani ne restera pas impuni. Il faut s'attendre à une riposte et la façon dont la décision du Conseil d'Etat a été piétinée en dit long sur le degré d'acharnement que ces gens peuvent avoir pour obtenir gain de cause», déclare un membre du comité central qui s'empresse de demander à ne pas être cité. Coup de force Pour rappel, cette élection a été précédée d'un imbroglio juridique entre les deux camps du FLN. Dans la soirée de mercredi, le groupe de Abderrahmane Belayat pensait avoir réussi le plus dur. Le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction du pays, avait accepté le recours introduit contre la tenue de la réunion. Mais moins de deux heures plus tard, Amar Saadani assurait que la réunion était maintenue. Même le JT de 20h de l'ENTV a annoncé la tenue de la réunion en omettant de parler de la décision du conseil d'Etat. Le lendemain, la chambre administrative allait accorder au groupe de Saadani le sésame grâce à une nouvelle autorisation accordée par la wilaya d'Alger.