Mouvement et choc tectoniques dans et au cœur du pouvoir. A six mois de l'élection présidentielle, les événements se précipitent, prennent une tournure rocambolesque, preuve d'un basculement des rapports de force et d'un compromis in extremis entre «décideurs». Un compromis – qui ne dit pas son nom – et dont les visées, conjoncturelles, ne vont pas au-delà des impératifs de la reproduction du système en place et de la prise en main des minutes de la succession. Des directions, et pas des moindres, relevant jusque-là des omnipotents services de renseignement changent ainsi de chapelle. De tutelle. Il s'agirait, d'après des sources recoupées, de la Direction de la documentation et de la diffusion (anciennement dirigée par le colonel Fawzi), de la Direction centrale de la sécurité de l'armée (dirigée par le général-major Méhena Djebar) et du très «problématique» Service central de la police judiciaire de l'armée (SCPJ-DRS). Auteur des «grosses» enquêtes pour corruption (affaire de l'autoroute Est-Ouest, Sonatrach I et II, etc.) incriminant, entre autres, les «hommes» du clan présidentiel, le SCPJ, créé par décret (présidentiel) le 9 février 2008, aurait été «dissous», selon des sources, «rattaché» à l'état-major de l'ANP, selon d'autres. Ces «services», dirigés depuis plus de vingt ans par l'indéboulonnable général de corps d'armée Mohamed Mediène dit Toufik, passeront sous le contrôle (effectif ?) de l'état-major de l'ANP coiffé par le généralissime corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, un proche du président Bouteflika et néanmoins plus «vieux» soldat de la planète Terre. Le scénario est inédit. Inédit eut égard à l'histoire mouvementée des «services» de renseignement algériens. Héritiers du puissant MALG, le ministère de l'Armement et des Liaisons générales pendant la guerre de Libération, ces «services», tout en demeurant dans le giron de l'armée, agissaient sans aucun contrôle populaire, en entité à part, en électron libre, en pouvoir institué, auto-constitué, de fait. N'empêche ! Pour cet ancien haut fonctionnaire à la présidence de la République, ancien membre des «services», un «verrou», le dernier, selon lui, vient de sauter. «C'est un long corridor pour une présidence à vie qui s'ouvre devant la fratrie Bouteflika», résume-t-il. «Rien de tel n'aurait été possible, ajoute-t-il, si des puissances étrangères n'avaient pas fait dans le lobbying auprès de la Présidence pour élaguer les prérogatives du patron des services.» Le tonnerre qui a troublé le ciel de Ben Aknoun, QG du DRS, n'a pas trouvé écho aux Tagarins (siège du ministère de la Défense) ou au boulevard Dr Saâdane (siège du gouvernement). Ni le gouvernement, encore moins le ministère de la Défense n'avaient jugé utile de communiquer sur un sujet engageant la sécurité de l'Algérie et des Algériens. La rumeur est reine, l'intox roi. La direction de la communication et de l'information ne confirme ni n'infirme l'information du «rattachement» des services à l'état-major de l'ANP. «Pour l'heure, nous n'avons rien d'officiel», rétorque un officier de la DCIO. «L'information nous l'avons apprise, comme vous, à travers les médias», conclut-il.