L'Etat semble décidé à instaurer une meilleure visibilité et plus de contrôle sur les budgets et les dépenses des collectivités locales. C'est là l'un des premiers objectifs du nouveau cadre budgétaire des communes dont la nomenclature a fait l'objet d'étude et de débat, hier à Boumerdès, entre des centaines de présidents d'APC de Tizi Ouzou, Bouira et de la wilaya hôte. Cette rencontre fort intéressante a vu également la participation de nombreux trésoriers et contrôleurs financiers ainsi que des représentants de la Cour des comptes, des ministères de l'Intérieur et des Finances. Le directeur des finances locales au ministère de l'Intérieur, Kerri Azzedine, a d'emblée indiqué que «ce regroupement vise à expliquer aux maires la nouvelle loi à même de faciliter la gestion des ressources financières de leurs municipalités et d'éviter l'endettement et les débits d'office sur leurs comptes». «La plupart des communes souffrent de mauvaise gestion. A l'avenir, nous n'acceptons aucune dépense sans affectation budgétaire et nous veillerons à ce qu'il n'y ait plus de communes endettées», a-t-il déclaré. Selon lui, des centaines de localités du pays ont un excédent de budget en raison de la défaillance des élus. Le même responsable a évoqué les retards enregistrés dans la consommation des aides octroyées aux assemblées locales, précisant n'avoir toujours pas reçu les situations des montants dégagés en 2012 dans le cadre du FCCL pour améliorer le cadre de vie des citoyens. Intervenant dans ce cadre, la directrice régionale de la Cour des comptes a fait état de 2584 réquisitions effectuées par les censeurs à l'encontre des comptables défaillants et de 3543 arrêtés concernant la réédition de comptes de gestion. «On ne veut plus de communes déficitaires. Les gens doivent savoir qu'on est entrés dans l'ère de l'orthodoxie budgétaire», a averti M. Kerri, non sans surprendre certains maires qui n'arrivent pas à payer les dettes contractées par leurs prédécesseurs. Contrôle ou soutien des élus ? Le président de l'APC de Zekri (Tizi Ouzou) a précisé que les entreprises ayant aidé la commune à faire face à la tempête de neige de l'hiver 2012 ne sont toujours pas payées à ce jour. «Je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites que l'engagement de dépenses non prévues sur le budget est passible de poursuites judicaires, mais le fait de ne pas assister des personnes en danger relève aussi d'un crime puni par la loi», a-t-il réagi, en sollicitant une aide pour honorer la dette de sa commune. Ce problème a été soulevé également par le nouveau maire de Keddara (Boumerdès) qui a déclaré avoir hérité des dettes non encore payées pour la simple raison que des entreprises ont effectué des travaux sans ordre de service (ODS). Le même élu a relevé les incohérences contenues dans la réglementation des impôts, soulignant que «pas moins neuf entreprises exploitant des carrières d'agrégats dans sa localité payent leurs impôts à Alger». M. Kerri a tenu à le rassurer : une commission interministérielle est en train d'étudier le dossier afin de revoir les procédures de recouvrement des différentes taxes par les trésoriers communaux, en expliquant que cette tâche pourrait être confiée incessamment à des équipes spéciales ou à des huissiers de justice. La présidente de l'APC d'Azeffoun a fait savoir que ses services n'avaient jamais procédé au recouvrement de la taxe de séjour en raison de l'absence d'une réglementation claire. D'autres élus ayant pris part à la rencontre ont soulevé les problèmes du non-recouvrement des recettes fiscales, du manque de personnel qualifié ainsi que le flou qui entoure certains articles de loi à cause du manque de textes d'application. M. Kerri a précisé dans ce sens que la nouvelle loi qui régira les finances locales est mieux adaptée aux besoins de l'heure et aux autres textes de loi. Selon lui, elle sera mise en œuvre à l'échelle nationale début 2014, ajoutant que 958 communes appliquent à ce jour l'ancienne nomenclature. Manque d'encadrement La première étape de cette nouvelle politique a été entamée, selon lui, en 2010 à travers l'installation de contrôleurs financiers au niveau des municipalités du chef-lieu de daïra. La procédure a été généralisée depuis avril 2012 à travers 70% des communes du pays. Mais certains présidents d'APC considèrent les contrôleurs financiers comme «des garde-fous» et «un facteur de blocage», soulignant que l'Etat n'a pas mis les moyens nécessaires à même de faciliter leur mission. «Vivement le contrôle financier a priori et a postriori mais cela doit être accompagné par l'encadrement et la formation du personnel des communes et des fonctionnaires assurant cette tâche», réclame le président de l'APC d'Aït Oumalou (Tizi Ouzou). Un avis partagé par le maire d'Afir (Boumerdès) qui déplore «le manque de souplesse dans le traitement des dossiers». «Nous ne sommes pas préparés pour cela. Je crois que le contrôleur financier a été installé pour limiter au maximum les dépenses. C'est pourquoi on doit définir les missions et les prérogatives des uns et des autres», a-t-il soutenu, avant de rappeler que le budget supplémentaire de l'APC n'a pas été établi par les élus sortants depuis 2006. De leur côté, les contrôleurs financiers affirment que leur rôle est préventif et se plaignent du manque de moyens humains et de la surcharge de travail. La wilaya de Tizi Ouzou dispose de six contrôleurs financiers pour 67 communes. «Je couvre 14 communes et deux hôpitaux. Parfois, il faut 10 jours pour traiter un dossier car je travaille avec 9 personnes qui n'ont aucune expérience dans le domaine», confie l'un d'eux sous le couvert de l'anonymat. Un autre contrôleur financier exerçant à Bouira évoque les mauvaises conditions de travail, aggravées, selon lui, par l'état lamentable des structures abritant leurs services. Ce problème a été signalé par de nombreux trésoriers de la région, notamment ceux qui travaillent dans des sous-sols dépourvus de commodités comme c'est le cas à M'chedallah, Lakhdaria et Kadiria.