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Rôle de l'Etat : évolution des idées
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Publié dans El Watan le 16 - 09 - 2013

La pensée économique sur le rôle de l'Etat a évolué progressivement avec les développements internationaux et les résultats des expériences vécues dans notre pays. Il s'agit bien sûr des points de vue des élites économiques, des prestigieux économistes et des faiseurs d'opinions. Ces derniers ont souvent conforté les décideurs dans leurs choix idéologiques. Nous aurions besoin de plusieurs recherches, plus et de nombreuses thèses pour mieux élucider la question. Il est impossible de cerner les multitudes de détails en si peu de temps et d'espace. Cependant, nous allons faire ressortir les faits saillants, les développements pertinents à notre étape actuelle cruciale de développement. L'analyse est centrée sur un seul point : le rôle de l'Etat dans la sphère économique et sociale. Nous évacuons donc les périmètres qui de par leur nature ne peuvent être pris en charge que par les pouvoirs publics : la justice, la sécurité nationale, les infrastructures lourdes, la régulation, la protection de l'environnement, l'essentiel des dépenses d'éducation et de santé. Même si les libéraux extrêmes voudraient réduire davantage les prérogatives de l'Etat dans ces domaines, la vaste majorité des économistes lui octroie au minimum ces missions pleines et entières.
Des divergences aux convergences
Durant l'ère de l'économie planifiée, la pensée dominante était d'inspiration marxiste. Le rôle de l'Etat était donc considéré comme central. Toutes les catégories économiques relevaient de ses prérogatives : prix, investissements, taux de change, commerce extérieur, banques, entreprises de production de biens et de services. Le secteur privé était à peine toléré dans des activités marginales : cafés, épiceries, restaurants, petites exploitations agricoles et quelques PME/PMI. On parlait alors de propriété privée non exploiteuse. A l'époque, il y avait très peu de contradictions entre la pensée des élites et les politiques économiques du pays. Le consensus n'était pas étanche. Certains économistes reprochaient au gouvernement de ne pas être allé plus loin, en éradiquant carrément les activités privées à l'instar des pays de l'Est. Une minorité silencieuse, acquise aux thèses de l'économie de marché, expliquait en vain l'irréalisme du système. Elle fut traitée de tous les noms : alliée de l'impérialisme, économistes bourgeois, etc. Le respect de l'opinion d'autrui n'était pas de rigueur à l'époque. Après l'effondrement du bloc de l'Est et la volonté de passage à un système plus libéral, les divergences entre les deux groupes d'économistes se sont exacerbées.
Les deux étaient d'accord sur un minimum de périmètre économique qui devait être réservé à l'Etat en dehors de ses prérogatives régaliennes. On le responsabilisait sur l'éducation, la santé, les infrastructures, la régulation, la stratégie de développement, les transferts sociaux, les politiques sectorielles, la gestion macroéconomique, etc. Nul n'a proposé de restreindre le rôle de l'Etat au statut d'acteur secondaire dans l'éducation et la santé, par exemple. La dissension apparaît surtout sur son rôle dans la sphère économique. Les économistes de gauche prônaient un Etat dominant dans le périmètre économique : les entreprises publiques devaient être omniprésentes, dominantes et être les fers de lance de l'émergence. La firme publique, présente dans les domaines stratégiques, devait l'être également dans le tourisme, l'hôtellerie, l'agroalimentaire, la distribution, le BTPH, etc. Les plus libéraux voyaient un Etat cantonné dans le domaine économique aux activités stratégiques (énergie, électricité, transport par air et chemin de fer, quelques banques et sociétés d'assurances). Nous sommes là au cœur du débat qui faisait rage durant les années quatre-vingt-dix. Les pouvoirs publics avaient choisi le camp interventionniste, même lors de l'exécution du programme d'ajustement structurel. Une brève remise en question fut observée au début des années 2000 avec la privation de quelque 300 entreprises. Cet épisode fut vite relégué au second plan.
Après 2010 : L'ère des convergences
Les expériences des transitions réussies dans le monde commençaient à influencer l'analyse économique au sein de notre pays. D'abord, les Etats avaient joué un rôle central dans l'éducation, la santé, les infrastructures, la vision économique, les transferts sociaux, etc. Les expériences qui avaient misé sur le retrait total de l'Etat aboutirent à des catastrophes peu imaginables (Russie avant Poutine). En second lieu, dans la sphère productive, les expériences réussies avaient instauré une compétition interne judicieuse et accompagnaient les entreprises qui réussissent, qu'elles soient publiques ou privées. L'écho allait vite se faire entendre au niveau des analyses des élites algériennes. L'ensemble de la profession s'était rallié aux meilleures pratiques mondiales. Cependant, les autorités publiques allaient faire des choix tout à fait contradictoires avec les recommandations de la vaste majorité des élites économiques. A l'heure actuelle, les divergences entre économistes algériens se sont considérablement réduites. Je ne connais pas de position contre la dominance du rôle de l'Etat dans la santé, l'éducation, les infrastructures, la stratégie économique, la régulation, les politiques sectorielles, les transferts sociaux et l'investissement dans les secteurs stratégiques. Il est normal qu'il y ait des idées différentes sur les mécanismes à mettre en place, les détails de mise en œuvre.
A ma connaissance, toutes les institutions patronales, syndicales, laboratoires de recherches, ONG (notamment Nabni, le think tank «défendre l'entreprise», CARE, etc.) sont tous partisans de cette logique. Pourtant, certains analystes veulent faire croire à l'opinion publique qu'ils sont les seuls à détenir ces positions. Ces dernières sont partagées par la vaste majorité des institutions et des analystes. Nul n'a le monopole de la défense d'un rôle de premier plan de l'Etat dans les affaires économiques. Les questions qui doivent être débattues sont du genre : de quel type d'Etat avons-nous besoin ? Comment rendre son action plus efficace ? Comment faire participer le maximum de citoyens et décentraliser les décisions ? Nous avons beaucoup plus de matières à débattre quant aux pistes de solutions à ces questions. Le sujet du rôle de l'Etat ne constitue point une source de discorde. Le consensus établi est très large sur ce thème. Il n'y a que l'Etat qui diverge avec ses penseurs. Ces derniers ont pratiquement trouvé un terrain d'entente. Le rôle de l'Etat est une question quasiment dépassée dans les débats entre experts algériens.


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