Une certaine fébrilité régnait dans l'air, mardi soir, à l'Esplanade du palais de la Culture Moufdi Zakaria, à Alger où se déroule le Festival culturel international de musique symphonique du 12 au 19 septembre. Et pour cause ! La forte présence de mélomanes VIP bousculant l'establishment politique en Algérie. Trois ministres, notamment Abdelmalek Sellal, Premier ministre, Mme Khalida Toumi, ministre de la culture, ou encore Abdelmadjid Bouguerra, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires maghrébines et africaines auront été les invités de marque. Une telle présence d'hôtes n'est pas passée inaperçue. Cela jure avec les anciennes traditions. L'on espère que c'est une précieuse caution à la culture, la création, la beauté, la musique… Et plus précisément à celle classique et universelle. Loin de l'effet «bœuf» politico-politicien. La musique adoucit les mœurs ! Aussi, dans cette mini-olympiade dédiée à la musique symphonique où participent 20 pays, issus des cinq continents, mardi soir, trois ont défendu leurs couleurs nationales : l'Allemagne, la Belgique et l'Afrique du Sud. Le son royal de Amelia Jardon Contre toute attente, le quintette de l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie a agréablement l'auditoire. Les musiciens de l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, Jean-François Chamberlan, Violon, Isabelle Scoubeau, Violon, Anne Pigen, alto, Hans Vandaele, Violoncelle et la mezzo-soprano Amelia Jardon, ont montré et démontré qu'ils n'étaient pas des «Belges». En référence à la blague. Au contraire ! Ils excellent dans leur art pas du tout mineur. Ces solistes, ce sont les meilleurs musiciens voire la dream team de Wallonie. Ils jouent plus vite que la musique. Et ce, avec finesse, justesse et ravissement. Leur partition (du DVOŘÁK : quatuor à cordes n°12 en fa majeur, «Américain» - Op. 96, B 179) - Allegro ma non troppo, Lento, Molto vivace, Vivace ma non troppo. Un carré d'as, sans flagornerie aucune, distillant des notes narratives, oniriques et filmiques (Le western de Dvorak). Et puis, ce quatuor a un joker, un adjuvant, une mascotte. La mezzo-soprano, Amelia Jardon. C'est elle qui annonce la couleur, le ton. Elle ouvre le récital. Amelia Jardon, 29 ans, élégante, entre, s'arrête devant son pupitre, se concentre, prend son souffle. Et puis pose sa voix sur du Respighi. Sur le poème lyrique Il tramonto et ce, en «drivant» son équipe, le quatuor à cordes, qui gagne… la sympathie du public. Son répertoire comporte des grands classiques de l'opéra comme Cherubino (Le Nozze di Figaro), Orsini (Lucrezia Borgia), Sesto (La Clemenza di Tito), Don Ramiro (La Finta Giardiniera), Dorabella (Cosi fan tutte), Concepcion (L'heure espagnole), Olga (Eugène Onéguine), Carmen (Carmen), Isabella (L'Italiana in Algeri)… Une grande crédibilité scénique, chorale et orchestrale. Amelia Jardon, allant crescendo, tournant les pages de sa partition, offrira un morceau de bravoure. Un grand moment de bravoure opératique. Entre un sourire, un emportement, les tics et tocs des chanteuses lyriques, elle exhibe l'ampleur de ses capacités vocales tantôt plaintive, expressive, dramatique ou encore joviale. Une mezzo-soprano gracieuse, gracile, elle a le port altier musicalement parlant. C'est sûr, Amelia Jardon a du «son» bleu, royal ! Fiddlers sud-africains L'Ensemble 4.1 a représenté l'Allemagne. Thomas Hoppe, piano, Jürg Schneider, hautbois, Alexander clarinette, Fritz Pahlmann, cor et Christoph Knitt, basson. Sans jeu de mots, cinq garçons teutons dans le vent. Leur équation mélomane : 4+1. Une addition, un atout majeur. Et de surcroît, ils jouent comme les cinq doigts de la main. Avec harmonie. Ils ne s'essoufflent point ! Que nenni ! Un jeu philharmonique cuivré, galvanisé et brillant levant un vent de fraîcheur soufflant sur des notes bleues de Mozart (Quintett Es-Dur KV 452) ou encore sur du Gieseking (Quintett B-Dur-1919-). De la délicatesse et du raffinement où chaque instrumentiste a sa minute de gloire, et ce, dans une bonne intelligence, sous les auspices, du pianoman (comme dirait Billy Joel), Thomas Hoppe, le pivot donnant le «la». D'ailleurs, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal et Khalida Toumi, ministre de la Culture, sont montés sur scène pour les congratuler en leur offrant un prix honorifique et un bouquet de fleurs. L'Afrique du Sud a aussi brillé de par sa formation, Ga Rona Strings Ensemble dont le line-up est constitué de Mngoma Tshepo, violon, Ledwaba Lebogang, violon, Matlhatsi Arthur, violon, Komane Tshepo, alto, Maponya Lerato, alto et Machobane Themba, violoncelle. Six joueurs d'archets évoluant avec le sourire. A leur programme figuraient Sibiya (Sthandwa sami), une chanson d'amour, Tsambo (Halala bahumagadi), Chants sur les femmes, Wessel (Op die rante van die volke), Marivate (Ayi vuye iAfrica), appel aux Sud-africains sur l'importance de l'éducation, Mohapeloa (Diphala), chant de Sesotho sur une fanfare ou encore le National Anthem (E Sontonga, l'hymne national). Avec le Ga Rona Strings Ensemble, nous avons découvert de talentueux musiciens exécutant leur partition comme des fiddlers (violonistes irlandais). Avec comme bonus track, le solo de Machobane Themba qui bluffera l'assistance. Le violoncelle fera office de basse. Un son groovy ayant fait rire et sourire les membres du Ga Rona. Car certains ont voulu créer une «ambiance berouali» détonnant avec la musique philharmonique. La seule fausse note du concert, c'est que certains spectateurs n'ont cure de la musique, bougent dans la travée, dans un chassé-croisé où le plancher craque, d'autres «papotaient» et par intermittence rappelés à l'ordre par un... «shut». Des téléphones qui sonnent, des objets qui tombent en faisant du bruit ! Silence, on écoute de la musique, de la bonne musique. Ce festival est un cadeau, un présent, il faut bien l'apprécier à sa juste valeur !