Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, sera à Alger demain pour une visite de deux jours. Cette visite est un tournant important dans les relations algéro-turques. Elle sera ponctuée par la signature d'un accord d'amitié et de coopération. L'ambassadeur de Turquie fait le point à cette occasion sur ces relations qui, selon lui, n'ont pas de limites. Le Premier ministre turc sera à Alger le 21 mai. Peut-on savoir le programme de cette visite et la teneur des discussions qu'il aura avec les responsables algériens ? Le Premier ministre va venir en Algérie pour une visite de deux jours, les 22 et 23 mai. Il aura des entretiens avec son homologue algérien, Ahmed Ouyahia. Il sera également reçu par son excellence le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. On prévoit une réunion entre les hommes d'affaires des deux pays le 23 mai, qui sera présidée par les deux chefs du gouvernement. Notre Premier ministre sera accompagné par une importante délégation d'hommes d'affaires, plus de 100 entrepreneurs et investisseurs. Des experts algériens feront des exposés sur les investissements et les privatisations en Algérie. Cette réunion a donc pour but d'encourager les hommes d'affaires turcs à investir et à utiliser le mécanisme de privatisation pour s'implanter en Algérie en partenariat. Cette visite n'est toutefois pas seulement importante du point de vue économique. Il sera question dans les discussions sur la coopération énergétique, mais aussi dans le domaine politique. L'Algérie est actuellement un membre important du dialogue méditerranéen dans le cadre de l'OTAN. L'accord d'association avec l'Union européenne sera aussi évoqué. La Turquie a déjà entamé les négociations avec l'UE. Nous pourrons faire un échange d'expériences sur ce sujet. Il y aussi le volet culturel. La Turquie va commencer à restaurer une partie de la citadelle d'Alger. Une coopération plus étroite dans ce domaine est prévue et les grandes lignes seront fixées pour l'avenir. Sera-t-il question de l'accord de libre-échange entre la Turquie et l'Algérie. Où en sont les négociations pour sa signature ? Il est évident que la partie turque souhaite un accord de libre-échange dans les meilleurs délais, parce qu'après l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'UE, une partie des exportations turques à été affectée à cause des droits de douanes qui sont préférentiels pour les pays membres de l'UE. S'il est vrai que le nombre des articles touchés n'est pas très important, il se trouve que l'Algérie n'achète plus directement de la Turquie, mais par l'intermédiaire d'un pays tiers. Il y a ce qu'on appelle au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) un changement de trafic. Il faut vraiment régulariser cette situation. D'ailleurs, l'accord d'association prévoit un accord de libre échange. Ce qui est naturel, car nous sommes en union douanière avec l'Europe. Nous voulons demander à la partie algérienne de nous appliquer les mêmes dispositions que l'accord d'association avec l'UE. Nous aurions souhaité que les pourparlers exploratoires commencent le mois d'avril dernier pour définir les grands axes de cet accord de libre-échange. Cela n'a pas été possible. J'espère qu'après la visite de notre Premier ministre, on pourra le faire. Y aura-t-il des accords qui seront signés lors de cette visite ? Oui, un accord très important pour nous et pour l'Algérie. Il s'agit de l'accord d'amitié et de coopération. Il est déjà prêt et il ne reste que la signature. La cérémonie aura lieu à Alger lors de cette visite. Les investisseurs turcs s'intéressent de plus en plus au marché algérien. Peut-on savoir quels sont les grands projets qui ont été réalisés et ceux qui sont envisagés ? Quel est le montant des investissements directs turcs en Algérie ? Malheureusement, on n'a pas les chiffres exacts. Les investissements directs turcs qui ont été réalisés sont de 160 millions d'euros, selon les statistiques turques. Mais je sais qu'en réalité, ce chiffre est beaucoup plus important. C'est à cause des partenariats. En général, les entreprises sont de droit algérien. Les investissements ne sont pas reflétés dans les statistiques. D'après d'autres données dans nos dossiers à la chancellerie, le montant des investissements directs turcs est de 600 millions de dollars depuis les cinq dernières années. Il y a un très grand projet pour une usine d'engrais à Arzew. Le montant de ce projet est de 300 millions de dollars. Il y a actuellement 33 projets d'investissement turcs en Algérie, dont 10 dans la sidérurgie et tout ce qui est mécanique et électrique, 11 dans tout ce qui est infrastructure, 3 en chimie, caoutchouc, plastique, 2 dans le domaine du textile et confection, 2 dans les forêts, 2 dans les services, et enfin 1 pour les transports. Il y avait seulement 33 représentations d'entreprises turques en Algérie, il y a deux ans. Aujourd'hui, on en est à 138. Quelle est la nature de la coopération militaire entre les deux pays ? Nous avons déjà un accord cadre pour la coopération militaire. Nous allons encore signer d'autres accords pour que les compagnies turques puissent investir en Algérie en partenariat pour produire des équipements à double usage qui peuvent servir aussi bien dans le domaine militaire que le civil. La Turquie a entamé des négociations avec la Commission européenne pour adhérer à l'Union européenne. Comment se présente la situation du côté turc ? Les négociations ont débuté en octobre de l'année dernière. Il n'y a pas de problèmes majeurs, mais il y a beaucoup d'obstacles à franchir. Nous en sommes conscients, mais on négocie d'une façon assez sincère et pour montrer notre volonté d'adhérer. Tout ce qu'on souhaite c'est qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures et que ces négociations soient objectives. Cela se passe bien pour l'instant. Il y a encore beaucoup de chapitres à négocier. Dans certains milieux et la presse européens, on parle d'obstacles politiques et religieux. On espère qu'ils ne seront pas dirigés contre la Turquie lors des négociations. Sur le plan économique, la Turquie ne cesse de renforcer sa présence sur le marché mondial. Peut-on connaître ses ambitions ? La Turquie est l'une des économies les plus performantes. L'année dernière, nous étions au dix-septième rang. Nous ambitionnons de devenir la dixième d'ici à 2010. Notre taux de croissance était de 10% en 2005. La Turquie a reçu plus de 17 milliards de dollars d'IDE en 2005. Nos exportations se sont élevées à 74 milliards de dollars l'année dernière. D'ici fin 2006, le volume de nos échanges sera d'environ 200 milliards de dollars. Nous devons toutefois combler notre déficit commercial. Qu'est-ce que la Turquie attend de l'Algérie ? Il y a une réelle volonté politique pour que les relations deviennent excellentes avec l'Algérie. Nos relations politiques, économiques et culturelles n'ont pas de plafond. Je crois que l'Etat algérien peut décider de venir investir en Turquie. Nous achetons du gaz liquéfié en provenance de l'Algérie. Les prix de l'énergie sont les plus élevés en Turquie. L'Algérie peut investir dans n'importe quel secteur en utilisant sa propre énergie. Vous pouvez produire de l'électricité et la vendre dans le marché turc. Vous pouvez aussi produire dans la pétrochimie et commercialiser ces produits dans le marché turc. Vous pouvez y construire des usines en utilisant votre propre gaz naturel. Donc, au lieu de nous vendre le gaz en tant que matière première énergétique, si vous vendez des produits finis ou semi-finis dans notre marché, vous serez gagnant. Cela sera très bénéfique pour l'Algérie.