Les derniers changements opérés à la tête des structures du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), dirigé par le général Toufik, n'enlèvent en rien des pouvoirs décisionnels de ce dernier. Le patron du DRS et le clan présidentiel ont trouvé des compromis pour que chacun respecte et se refuse à interférer sur les prérogatives de l'autre. Cependant, personne ne peut dire quel est l'enjeu de ces compromis et à quel prix ils ont été retenus. Peut-on dire que les derniers changements dans les rangs de l'armée soient le résultat d'une guerre sans nom entre les dirigeants de la grande muette et le clan présidentiel, éclaboussé ces dernières années par une cascade de scandales liés à la corruption ? Si pour certains la réponse est affirmative, pour beaucoup d'autres, il ne s'agit là que d'un mouvement de hauts gradés des services de renseignements opéré par le tout-puissant général Toufik. Les partisans d'une telle thèse déclarent : «Les postes touchés par les changements sont, certes, très importants, comme c'est le cas pour la Direction de la documentation de la sécurité extérieure (DDSE) qu'occupait le général Rachid Laallali, plus connu sous le nom de Attafi, ou encore celui de la Direction de la sécurité intérieure (DSI) que dirigeait le général-major Bachir Tartag, dit Athmane. Néanmoins, le choix des officiers supérieurs appelés à assurer la relève n'est pas fortuit. Ils n'ont pas été imposés, mais choisis parmi les plus fidèles au patron du DRS. Cela veut dire que ce dernier dispose de toutes ses capacités de manœuvre. En clair, quand il s'agit de l'armée, le dernier mot lui revient….» Pour nos sources, «comme en 2004, à la veille du deuxième mandat de Bouteflika, le clan présidentiel et le patron du DRS ont trouvé des compromis. Une ligne rouge qu'aucun des deux ne franchit. En attendant avril 2014, chacun respecte (et s'interdit d'interférer dans) les prérogatives de l'autre. Néanmoins, la grande question qui reste posée est celle liée à ce quatrième mandat» qui pour beaucoup serait de trop. «Il y a une forte tendance, au sein de l'armée, qui aspire au changement à travers des élections légitimes. Un quatrième mandat ou une prolongation du troisième seraient un gâchis pour le pays. L'Algérie de 2014 n'est plus celle de 2004 ou de 2009. Entre-temps, il y a eu les révolutions arabes, mais aussi une évolution dans le portrait du nouveau chef de l'Etat. Nous ne pouvons plus nous permettre de commettre des erreurs qui risquent de compromettre la stabilité du pays», révèle un ancien haut gradé de l'armée. Le clan présidentiel est sorti très affaibli des affaires de corruption ayant touché certains de ses hommes les plus influents, notamment l'affaire Sonatrach ou encore celle de l'autoroute Est-Ouest. Le même scénario vécu en 2004, lorsque le même clan a été au centre des scandales de BRC impliquant directement Chakib Khelil, à l'époque ministre de l'Energie, cité aussi dans une transaction douteuse d'achat des tours auprès du promoteur Chaabani, à Hydra, devenues le siège du ministère de l'Energie. L'on se rappelle qu'une aile de l'armée, incarnée par l'ancien chef d'état-major, le défunt Mohamed Lamari, s'était exprimée publiquement pour refuser toute implication de l'institution dans le choix du candidat à l'élection au poste suprême de chef de l'Etat. Quelques semaines seulement après les résultats du scrutin, donnant Bouteflika vainqueur avec un taux participation très bas, le défunt Lamari et de nombreux autres gradés de l'ANP ont fait valoir leur départ à la retraite. D'autres se sont vus muter à des postes, où ils étaient placés en situation de voie de garage en attendant des jours meilleurs. Cela a été le cas du général Bachir Tartag, mais aussi Djebbar M'henna, qui ont attendu longtemps avant de revenir en force, il y a plus de deux ans, à des postes stratégiques, en dépit du fait que, longtemps, Bouteflika a opposé son veto à leur promotion. Leur départ à la retraite ne peut être interprété comme un affaiblissement du patron du DRS ; il fait tout simplement partie des compromis que les deux hommes, Bouteflika et le général-major Toufik, ont trouvés. La grande question qui reste néanmoins posée est de connaître les motivations de ces compromis, leur enjeu et surtout le prix à payer pour leur réalisation. Aujourd'hui, les observateurs les plus avertis et les plus au fait de la situation politique algérienne sont incapables d'apporter des réponses à ces questions et encore moins à faire des projections sur l'élection présidentielle prévue, théoriquement, pour avril 2014. Certains parlent de prolongation de mandat, d'autres de mandat à vie, et enfin les plus optimistes avancent plutôt le départ du clan. Mais aucune de ces thèses ne peut être jugée sérieuse. A six mois du scrutin présidentiel, personne ne peut dire de quoi sera fait l'après-14 avril 2014. Sera-t-il un vrai printemps ou un long hiver ?