- Que pensez-vous de la décision américaine d'octroyer 7,8 millions de dollars au Liban pour améliorer les conditions de vie des réfugiés syriens ? C'est une mesure davantage liée à la volonté américaine de montrer que les Etats-Unis apportent une aide humanitaire à des pays comme le Liban et la Jordanie, qui sont, en réalité, les pays qui supportent le plus les conséquences de la crise syrienne et ce flot important de réfugiés qui a augmenté de manière drastique depuis bientôt un an et demi. Cependant, la somme est dérisoire, ce n'est pas une aide substantielle, mais plus un coup médiatique. Le gouvernement libanais estime qu'il y a 1,2 million de Syriens au Liban, cela montre bien que la somme n'est pas suffisante.
- L'accord américano-russe a été accepté par Al Assad en un temps record, quelle lecture faut-il en faire ?
Cet accord est le fruit de ce qu'on pourrait appeler, pour être précis, la volonté des uns et des autres d'éviter la guerre. Les Etats-Unis ont commencé par une démonstration de force pensant terroriser le régime syrien et ses alliés régionaux et internationaux, à savoir l'Iran, le Hezbollah et la Russie. La France n'a fait que suivre aveuglément les Etats-Unis. Des messages ont été envoyés de la part de la Syrie et ses alliés disant que, selon l'importance de l'attaque américaine, la riposte apportée serait proportionnelle. Ceci, à mon avis, a eu un rôle important pour dissuader les Etats-Unis d'attaquer. Mais il est sûr que l'axe Iran-Syrie-Hezbollah voulait aussi éviter la guerre et une confrontation d'une grande ampleur avec des coûts humains et matériels importants. C'est ainsi que la convergence s'est faite entre les différents partis, la première depuis que le conflit a éclaté. Nous étions arrivés au bord du précipice jusqu'à la proposition russe acceptée par les Etats-Unis, le régime et ses alliés.
- Certains Libanais ont peur qu'une partie de l'arsenal chimique syrien puiss se retrouver entre les mains du Hezbollah. Hypothèse plausible ou paranoïa ?
Le Hezbollah dit depuis des années, par la voie de son secrétaire général, qu'il s'arme et continuera de s'armer avec les arsenaux les plus performants, notamment des arsenaux qui permettraient de mettre fin aux violations de l'espace maritime et aérien libanais par Israël. Le Hezbollah cherche clairement un équilibre de la terreur avec Israël. Dans son dernier discours, Nasrallah a cependant précisé qu'il y avait un problème théologique avec l'utilisation des armes chimiques. C'est la même position que défend l'Iran. Il convient en effet de rappeler que lors de la guerre entre l'Iran et Irak, l'Irak de Saddam Hussein a utilisé ses armes chimiques non seulement contre les Kurdes, mais aussi contre l'armée iranienne, ce qui a été oublié par les médias. Ces armes, ce sont les Occidentaux qui les avaient fournies au régime irakien. L'Iran disposait d'armes chimiques, mais ne les a jamais utilisées, car l'Ayatollah Khomeiny avait publié une fatwa qui en interdisait l'utilisation. Concernant les Libanais, je pense que c'est moins une paranoïa qu'une volonté d'envenimer la scène politique interne et qui menace le Liban comme pays unifié et multiconfessionnel, en plus de menacer la société syrienne multi-religieuse.
- L'armée a récemment renforcé son dispositif dans l'ensemble du pays et plus encore dans la banlieue sud de Beyrouth. Quelles en sont les raisons, selon vous ?
L'armée a renforcé cette présence en raison des attentats et qui ont pris pour cible la banlieue sud de Beyrouth (une attaque à la bombe piégée à Dahiyeh, quartier de la banlieue sud chiite de Beyrouth a fait plus de 60 victimes le 15 août dernier. Une autre bombe a explosé dans la banlieue sud en juillet dernier, ndlr). L'armée n'a fait qu'assumer sa responsabilité en se déployant là où le danger est important. Au départ, le Hezbollah a assuré la sécurité de cette banlieue sud, mais dès que les forces armées se sont montrées prêtes, la relève s'est naturellement faite.
- L'Orient le Jour a récemment fait état de la disparition de plusieurs jeunes dans le sud du pays. Est-ce avéré ?
Je ne suis pas au courant de la disparition de ces jeunes, mais le Hezbollah dit qu'il est 24/7 prêt à riposter à une attaque israélienne, notamment dans une situation de haute tension. Ces combattants sont sur le qui-vive et il a des troupes en effet mobilisées. Donc, oui, peut-être qu'avec cette conjoncture, il a mobilisé davantage de troupes. Cependant, avec ce type de quotidien biaisé (au Liban, le quotidien d'expression française L'Orient le Jour est connu pour ses positions pro 14-Mars et donc hostiles au Hezbollah, ndlr), on enfonce des portes ouvertes et on fait passer des secrets de Polichinelle pour de grands secrets. La possibilité de réveil du front sud n'est pas à exclure. Si le conflit syrien s'était exacerbé, Israël aurait pu profiter de l'opportunité pour attaquer militairement le Hezbollah, avec qui est entretenue une relation conflictuelle existentielle.