Le nouveau chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, a fait jeudi une prestation plutôt réussie à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU. Pour sa toute première prestation à la tribune des Nations unies, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s'est employé jeudi à rappeler, en les liftant sensiblement, les fondamentaux de la diplomatie algérienne. Sur tous les grands dossiers qui agitent la planète mais surtout la «galaxie» arabe plus que jamais éclatée. Il ne fallait certes pas s'attendre à un feu d'artifice de la part du nouveau chef de la diplomatie algérienne, mais son propos, pour classique qu'il puisse paraître, n'en était pas moins réaliste par rapport aux évolutions connues dans certains pays. Ainsi en a été le cas de ce qu'il convient d'appeler le Printemps arabe. Si jusque-là, la position algérienne était quelque peu floue voire réactionnaire quelque fois, notamment s'agissant de la Tunisie, la Libye et l'Egypte, Lamamra a su trouver la formule commode pour se sortir du cercle vicieux de la «non-position» de Medelci. L'Algérie est «naturellement solidaire» des peuples arabes qui, cependant, vivent des «transitions difficiles» dans une étape de transformation démocratique et socioéconomique particulièrement délicate. Voilà tout l'art d'une position très diplomatique qui a ceci de particulier qu'elle évite de se mettre à dos et les uns et les autres ; comprendre les régimes sclérosés et les oppositions mal organisées. Et aujourd'hui que la «solution politique» comme mode de règlement des crises est de moins en moins «complexante» Ramtane Lamamra avait beau jeu de souligner que l'Algérie «encourage la promotion de solutions politiques aux crises de gouvernance ainsi que la gestion consensuelle des périodes de transition». Un fin diplomate Mieux encore et la guerre civile en Syrie le prouve bien, le ministre a ajouté que les solutions militaires «ne sont ni possibles ni souhaitables» dans ces contextes de «polarisation des sociétés et d'exacerbation de particularismes et de dissensions». Autre épreuve bien négociée, celle du rejet net et sans réserve de l'usage des armes de destruction massives. Une fois n'est pas coutume, le chef de la diplomatie algérienne ne s'est pas encombré de formules et autres pirouettes pour asséner clairement que l'Algérie condamnait l'usage d'armes chimiques dans le conflit syrien quels qu'en soient les auteurs. Toujours à propos de la Syrie, il a inscrit l'Algérie dans la «dynamique politique» devant mener à la tenue de la conférence de Genève II. Une façon de faire entendre la voix de l'Algérie dans le concert des nations. Plus généralement, Ramtane Lamamra a paru extrêmement pragmatique dans son intervention. Même s'agissant du conflit israélo-palestinien, il n'a pas cédé au discours redondant et incantatoire teinté de patriotisme arabe. Du haut de la tribune de l'ONU, il a envoyé une «bonne note» aux Etats-Unis dont il a salué les «efforts» pour la reprise des négociations entre Palestiniens Israéliens. Cela, même si Lamamra n'a pas fait de révolution en la matière rappelant que l'Algérie souhaitait que la communauté internationale puisse «redoubler d'exigences en faveur de l'établissement rapide d'un Etat palestinien reconnu dans ses frontières de juin 1967 avec El Qods comme capitale». Exit le discours incantatoire S'agissant de la crise au Sahel, le MAE a mis d'entrée l'Algérie dans la peau d'une victime. Il a ainsi déclaré que l'Algérie, «continue d'être ciblée par le terrorisme international, telle l'attaque terroriste majeure menée contre le complexe gazier de Tiguentourine en janvier dernier». C'est pourquoi elle «apporte une contribution effective à la conjugaison des efforts pour la sécurité collective dans l'espace sahélo-saharien ainsi que dans le reste de l'Afrique», a-t-il déclaré. Lamamra a par ailleurs confirmé le repositionnement de l'Algérie face à la crise du Mali en se félicitant de la libération des régions du nord du Mali de l'emprise des groupes terroristes ainsi que de «la restauration de l'ordre constitutionnel dans ce pays avec le succès de l'élection présidentielle». Exit donc la négociation avec Ançar Eddine et autres narcotrafiquants avec lesquels Alger a perdu énormément de temps et d'argent. Cela dit, Ramtane Lamamra a aussi adopté un ton plutôt calme au sujet du dossier du Sahara occidental. Le ministre s'est contenté de rappeler le dogme algérien en la matière à savoir son attachement «au droit des peuples à l'autodétermination». La voix de l'Afrique d'un Maghrébin convaincu Comme pour tous les pays respectueux du droit et de la légalité internationaux, le diplomate a souligné que l'Algérie «soutient l'intensification des efforts de l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, Christopher Ross, en vue d'amener les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, à lever, par la négociation, tous les obstacles pour permettre au peuple du Sahara occidental de déterminer librement son avenir».Une subtile déconnection d'une position de principe de ses arrière-pensées géopolitiques qui a le mérite de rendre le propos de Lamamra indiscutablement objectif. Le fait est qu'il enchaînera tout de suite sur le «grand projet unitaire maghrébin que les peuples de la région appellent de tous leurs voeux.» Une façon de signifier que l'Algérie est résolument engagée dans une perspective maghrébine et que son propre développement dans le cadre des objectifs du millénaire devrait fatalement s'insérer dans «la cohérence historique du grand projet unitaire maghrébin». Et comme pour rester fidèle à son long «passif» africain, Ramtane Lamamra a mis les pieds dans le plat des Nations unies réclamant des «sièges permanents» pour l'Afrique au sein du Conseil de sécurité. L'ex-commissaire pour la paix et la sécurité de l'Union africaine a inscrit sa revendication dans le cadre d'une réforme du fonctionnement des Nations unies. Enfin, le MAE a lancé une petite pierre dans le jardin US en appelant à la levée du blocus imposé à Cuba ainsi qu'à la bande de Ghaza. Une petite voix discordante qui montre la voie à un possible retour de l'Algérie à la place qui aurait dû être la sienne depuis plus d'une décennie.