Pris de panique à l'idée de perdre prochainement son immunité parlementaire, Silvio Berlusconi a ouvert une nouvelle période d'incertitude politique pour l'Italie en poussant les ministres de son parti à démissionner. Hier, la balle était dans le camp du président Giorgio Napolitano qui devait rencontrer, dans la journée, le président du Conseil, Enrico Letta. Au cours d'un déplacement à Naples, il a indiqué qu'il ne se résoudrait à «une dissolution (des Chambres) que s'il y avait pas d'autre solution». Il reste sur sa position constante : une dissolution serait inutile tant que la loi électorale n'est pas modifiée. «Geste fou», «indigne», «le condamné fait couler l'Italie», «course dans le vide» : la presse italienne était unanime, hier, à condamner la décision du Cavaliere alors que la troisième économie de la zone euro peine à sortir de la crise. «La politique italienne s'est vidée de tout sens et se trouve privée de tout horizon», a déploré le respecté constitutionnaliste Stefano Rodotà. Même Enrico Letta, à la tête d'un gouvernement de difficile coalition entre la gauche dont il est issu et le centre droit de Berlusconi, en a perdu son habituelle sérénité, évoquant «un geste fou et irresponsable, entièrement destiné à protéger les intérêts personnels» du milliardaire aux prises avec la justice. Le feu couve depuis la condamnation définitive, le 1er août, de Silvio Berlusconi à quatre ans de prison (ramenés à un seul en raison d'une amnistie) pour fraude fiscale. En raison de son âge – il a «fêté» ses 77 ans justement hier – le magnat des médias n'ira pas derrière les barreaux, mais il doit choisir dans les jours prochains entre l'assignation à résidence et les travaux d'intérêt général. Autre perspective humiliante pour le Cavaliere : le Sénat doit se prononcer prochainement sur sa destitution qui le privera de son immunité parlementaire alors qu'il redoute encore d'autres jugements, dont le procès en appel du Rubygate (prostitution de mineure et abus de pouvoir). Plus l'échéance approche, plus les enchères montent. Jeudi, les parlementaires de son parti, le Peuple de la liberté (PDL) ont signé – mais pas remis – leur démission. Et samedi, ce sont les cinq ministres PDL qui annonçaient leur démission, dont le n°2 du gouvernement Angelino Alfano, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur. Officiellement pour protester contre «l'ultimatum» de M. Letta. Ce dernier avait annoncé son intention de poser la question de confiance pour «clarifier» le soutien de son encombrant allié. En attendant, il a refusé de se pencher sur un éventuel report de l'augmentation de la TVA (de 21 à 22%) qui entrera donc en vigueur le 1er octobre. Tout devrait se jouer dans les prochains jours, probablement demain, au Parlement. A moins donc d'un retrait de la démission des ministres – en Italie, tout est possible – le pays pourrait se diriger vers la formation d'un gouvernement chargé uniquement de deux tâches : l'adoption de la loi budgétaire et la réforme de la loi électorale. Avec le parti de Berlusconi relégué dans l'opposition. Auquel cas celui-ci «se retrouvera isolé, privé du levier qu'il détient sur le gouvernement», commente Stefano Folli, de Sole 24 ore. En attendant, les yeux seront tournés aujourd'hui vers les marchés. Le ministre de l'Economie, Fabrizzio Saccomani, s'est voulu optimiste : «Les marchés tiendront compte de beaucoup de paramètres, y compris la conjoncture économique qui s'améliore», a-t-il dit au Sole 24 ore.