Le pouvoir renie encore une fois ses engagements vis-à-vis des partis de l'opposition. Cela vient de se confirmer. Le libre accès des partis et des organisations nationales agréés aux espaces publics, décidé au lendemain des émeutes de janvier 2011, n'est pas respecté. Le groupe des partis pour la sauvegarde de la mémoire et de la souveraineté (16 formations politiques) l'a vérifié hier. Voulant organiser une réunion publique à l'hôtel Essafir d'Alger pour exprimer leur opposition à la révision de la Constitution avant la présidentielle de 2014, les responsables de ces partis, dont Abderrezak Makri, président du MSP, et Tahar Benbaibèche, président d'El Fadjr El Djadid, ont été surpris par le refus de l'administration de leur accorder une autorisation. Les voix discordantes qui s'opposent à la démarche visant à maintenir le président Bouteflika au pouvoir sont, visiblement, persona non grata. En effet, sollicitée depuis jeudi dernier, soit six jours avant la date de la réunion prévue pour la journée d'hier, la wilaya d'Alger n'a donné aucune suite à la demande des partis en question. «La loi oblige l'administration à donner sa réponse au bout de trois jours. Elle ne l'a pas fait», s'indignent les chefs de ces partis dans un communiqué. Ils dénoncent, dans ce sens, une interdiction déguisée de leur réunion et «un retour à l'époque de la pensée unique». «Nous avons déposé la demande d'autorisation jeudi dernier. Mais nous n'avons eu aucune réponse. Il y a manifestement une volonté de saboter notre action et nous ne comprenons pas comment on facilite les choses pour assurer le contrôle d'un seul parti et on empêche, par des pratiques malsaines, une réunion d'un groupe de partis», a déclaré Abderrezak Makri. Ce dernier fait allusion à l'autorisation accordée aux membres du comité central du FLN pour activer la cooptation de Amar Saadani à la tête du parti, contre l'avis de son bureau politique. Le pouvoir rattrapé par sa nature Et d'ajouter : «Trois jours n'ont pas suffi à l'administration pour nous délivrer une autorisation alors que dans un autre cas, un parti politique a pu arracher une décision de justice et une autorisation en l'espace de deux heures seulement !» Le leader du MSP déplore une «dérive antidémocratique et une mainmise de la bureaucratie et de l'argent sale sur le pays». «Le pays est en danger, nous assistons à de graves dérives qui nécessitent de la classe politique d'agir en rang uni», explique-t-il. Dans un communiqué rendu public, les responsables des partis en question s'interrogent sur «l'intérêt de la révision de la Constitution en cette période difficile et à quelques mois seulement de la présidentielle». Ils menacent de ne pas reconnaître la future Constitution. «Le groupe ne reconnaîtra aucune Constitution élaborée par une commission technique avec l'appui d'institutions illégitimes», affirment-ils. Qui a interdit cette réunion ? Le pouvoir a-t-il décidé de reprendre ses pratiques anticonstitutionnelles contre l'opposition qui ont prévalu depuis le début des années 2000 ? L'interdiction de la réunion d'hier est la deuxième du genre depuis 2011, après celle dont a fait les frais la LADDH qui avait sollicité une autorisation pour tenir son assemblée générale de mise en conformité avec la nouvelle loi sur les associations. Pourtant, dans son discours du 15 avril 2011, Abdelaziz Bouteflika s'était engagé «à autoriser toutes les composantes de la classe politique à s'exprimer librement dans les espaces publics et accéder aux médias étatiques, notamment la télévision et la radio». Deux ans plus tard, les engagements en question semblent être reniés. Les partis et les organisations qui ne soutiennent pas la politique du pouvoir subissent, notamment à l'approche des rendez-vous électoraux, des pressions en tous genres.