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le privé au pied du mur...
Vu à la télé
Publié dans El Watan le 03 - 10 - 2013

Une quinzaine de chaînes de télévision privées se sont lancées à la conquête du marché depuis l'annonce, il y a un peu plus d'une année, de l'ouverture du champ audiovisuel, mais toutes restent aujourd'hui suspendues à cette réponse sibylline prononcée par le nouveau ministre de la communication à propos de l'agrément facultatif accordé à ces chaînes et qui expirera, en principe, fin décembre : «La loi permettra d'étudier au cas par cas la situation de ces chaînes», a dit Messahel, sans donner plus d'éclaircissements ni de faire de projection sur l'avenir immédiat des télés privées qui doivent donc présenter des dossiers solides si elles veulent réussir leur examen de passage qui les fera enfin sortir de cette phase de clandestinité tolérée mais qui ne garantit aucune perspective.
Pour le ministre, «le plus important est de donner un cadre juridique qui servira de protecteur pour chaque partie», en l'occurrence qui sera, si on traduit sa pensée, «profitable» aussi bien pour les pouvoirs publics qui auront la tâche de contrôler le cadre d'évolution des nouveaux médias, notamment sur le double plan politique et idéologique, en fonction d'un cahier des charges bien défini qui déterminera les rôles de chacun, que pour ces dernières qui sauront ainsi à l'avance quelles seront les règles du jeu et les limites à ne pas dépasser.
Au demeurant, les intentions du gouvernement à ce sujet, exprimées par le ministre, ne souffrent pas d'ambiguïté majeure quand il souligne que le projet de loi sur l'audiovisuel qui sera soumis aux parlementaires du Sénat et de l'APN «permettra de régulariser le champ audiovisuel en Algérie afin que chacun connaisse son rôle dans ce domaine bien précis». Si dans les pays avancés il existe effectivement des garde-fous objectifs pour éviter les graves dérives que le monde de la communication peut engendrer, jamais selon les spécialistes de l'audiovisuel les règles qui ont été imposées par l'Etat n'ont été conçues dans le but de porter atteinte à la liberté d'expression ou de limiter en quelque manière que ce soit l'indépendance des télés privées.
En Algérie, il semble toujours selon ces mêmes spécialistes que la donne risque de ne pas être tout à fait dans un registre identique. Comme pour les partis politiques, le Pouvoir a une peur bleue d'une expression libre et totale qui peut se retourner contre lui. Il préfère prendre les devants en verrouillant les textes de loi avant qu'ils ne soient mis en pratique. Il y a donc crainte de voir l'ouverture du champ audiovisuel que le gouvernement présente comme une grande avancée de l'expression démocratique dans notre pays après un demi-siècle de musellement sans concessions, se réduire à une portion congrue qui remettrait ainsi en cause tous les espoirs de voir la télévision algérienne, à travers ses nouveaux écrans, sortir de ses vieux carcans pour aider l'expression plurielle à s'émanciper réellement sans avoir à faire des compromis.
Cette crainte est confirmée notamment par trois dispositions capitales de l'avant-projet de loi : il s'agit d'une part du maintien du principe de l'autorisation accordée aux seules chaînes dites thématiques, de la limite ensuite du capital social à un pourcentage qui éviterait tout blocage dans la prise de décision, et du contrôle enfin presque total de l'autorité de régulation dont les membres seront désignés soit par le président de la République, soit par les représentants des deux chambres, soit par le conseil constitutionnel.
Comme on le constate, le Pouvoir politique ne veut pas s'aventurer à gérer des médias qui risquent de lui échapper. Il préfère lui-même tracer les sillons pour domestiquer une communication qui a une énorme capacité d'influence sur la société, et en même temps il veut présenter le nouveau produit télévisuel comme une donnée naturelle qui émane d'un régime soucieux plus que jamais de contribuer au développement de la démocratie dans notre pays. Abdelkader Messahel, qui se met plus dans la peau d'un diplomate rompu aux discours langue de bois qu'à celle d'un commandant d'un secteur qui a besoin d'être sérieusement bousculé, a dans cette optique été on ne plus inspiré en disant que «le but visé par l'ouverture du champ audiovisuel est de faire passer une information crédible au citoyen qui relève du droit constitutionnel».
Comme pour les expériences de la presse écrite, conclut-il, les lois qui seront adoptées seront favorables au secteur. A quel niveau de perception ? Comment surtout libérer une information crédible avec des chaînes mises sous haute surveillance ? Le ministre, assurément, se perd en conjectures en voulant ménager la chèvre et le choux, alors que le vrai problème de l'audiovisuel en Algérie demeure le manque flagrant de volonté politique chez nos dirigeants de libérer un secteur stratégique qui pèse dans leur option de domination.
Et la référence faite à la presse écrite indépendante s'avère mal placée sachant que le Pouvoir n'a jamais fait de cadeaux à cette jeune presse qui a dû mener depuis sa naissance un combat acharné pour sa survie et arracher le droit de s'exprimer librement. Pour les télés privées qui se sont déjà fait remarquer par des concessions notoires au régime, les enjeux sont forts complexes, mais déterminants pour leur avenir professionnel. La télé privée est devenue une exigence citoyenne incontournable, qui n'a que faire des combines du sérail. Le défi, c'est d'inverser la tendance en forçant le Pouvoir d'accepter la réalité d'aujourd'hui. Tout est question de courage et de convictions.


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