Malgré sa démission en janvier 2013, l'ombre d'Ouyahia continue de planer sur le RND. La maladie du Président relance chez ses sympathisants l'idée de sa candidature à la prochaine présidentielle de 2014. Il est sur toutes les lèvres. Même ceux qui s'étonnent que vous leur posiez la question admettent, après un moment de réflexion, qu'effectivement, son nom revient souvent ces derniers temps lors des discussions entre cadres du parti. «La situation est tellement confuse ces trois derniers mois que beaucoup se laissent aller à émettre des hypothèses et à imaginer son retour», souligne Fatima, une militante du parti. Il y a aussi ceux qui ne croient pas un instant à cette hypothèse et vous rappellent sèchement que l'ancien secrétaire général ne reviendra plus sur le devant de la scène. Que s'il avait démissionné pour «sauver l'unité du parti», son retour «compliquerait la réunification des rangs du RND». «Je ne crois pas du tout à cette éventualité, juge un membre du mouvement de redressement (initié par Nouria Hafsi en décembre 2012) sous couvert de l'anonymat. Ouyahia avait bien déclaré qu'il ne reviendrait pas sur sa décision». Spéculations C'est ce que semblent confirmer les propos du Dr Youcef Korichi, secrétaire général du bureau RND de la wilaya de Ouargla, qui estime également que «le jeu politique autour de la présidentielle est très clair : le retour d'Ouyahia aux commandes du parti est fort improbable du moment que ce dernier s'est exprimé en long et en large sur le sujet». Mais comme le rappelle sournoisement un cadre du RND, «en politique, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. De plus, Ouyahia avait bien spécifié que s'il quittait ses fonctions de SG, il restait militant du parti». Oui mais voilà, la maladie du Président et les dernières rumeurs rapportées par la presse sur l'éventualité de sa «non-candidature» pour un quatrième mandat ont relancé les spéculations sur un retour de l'ancien Premier ministre. Au RND, de nombreux militants ne s'expliquent toujours pas la soudaine décision prise par Ahmed Ouyahia de démissionner, en janvier 2013. Certains voulaient y voir un retrait tactique qui permettait au «soldat Ouyahia» de se préserver pour l'avenir. «Ce départ reste une énorme énigme au sein du RND, explique Fodil, militant du parti à Alger. Son retrait que nous n'arrivions pas à comprendre, prend une toute autre signification aujourd'hui, avec la maladie du Président et l'absence de candidat crédible à sa succession. Ahmed Ouyahia est aujourd'hui le seul à avoir la stature d'un homme d'Etat.» Soutiens Si l'homme s'est drapé dans le silence depuis son départ et refuse de donner suite aux nombreuses sollicitations que lui adressent les militants pour le rencontrer, il laisse sciemment ses plus proches collaborateurs se charger de maintenir intacte sa stature d'homme d'Etat. «S'il se présente, même les pierres se dresseront et marcheront avec lui», avoue un militant de la wilaya d'Oran. Dans la capitale de l'Ouest, le cercle de ses soutiens dépasse le cadre partisan des formations politiques. «Il peut même compter sur le soutien d'une partie du FLN qui était en désaccord avec la gestion de l'ancien secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem», prédit un cadre du parti à Oran. Ahmed Ouyahia continue de jouir du soutien et de l'estime d'une grande majorité des coordinateurs de wilaya et des responsables locaux qui lui sont reconnaissants d'avoir démissionné pour préserver l'unité du parti. Abdelkader Bensalah, secrétaire général par intérim, l'a bien compris. Depuis son arrivé à la tête du parti, il n'a eu de cesse de ménager les pro-Ouyahia en les associant à toutes les décisions importantes et s'est refusé de pratiquer la politique d'exclusion, comme demandé par le Mouvement des redresseurs. Résultat : les soutiens à l'ancien Premier ministre sont présents en force dans les commissions de wilaya chargées de préparer le 4e congrès du parti. «Bensalah n'a pas beaucoup le choix, résume un cadre de la direction. Les hommes d'Ouyahia tiennent le parti et l'obligent à composer avec eux.» Car passée la surprise de la démission d'Ahmed Ouyahia, les cadres du parti, dont la grande majorité a été désignée par l'ancien secrétaire général, ont continué à imposer leur présence au sein des structures dirigeantes. Unis contre l'adversité, ils ont bataillé en rangs serrés contre le Mouvement pour la sauvegarde du RND que dirige Yahia Guidoum, qui réclamait leur exclusion et la mise à l'écart d'une quinzaine de coordinateurs de wilaya, jugés trop proches de l'ex-patron du RND. «Le secrétaire général par intérim reconnaît en privé qu'il n'a pas une grande marge de manœuvre contre les hommes de l'ancien SG, avoue un membre de son cabinet. Par ailleurs, il a décidé que la transition devait se faire sans heurts.» En privé, des cadres assurent que le président du Sénat compte sur la tenue du prochain congrès pour réorganiser toutes les structures. Timing Il prévoit de s'appuyer sur le vote des militants pour remodeler la composante du parti. «Le congrès sera une première étape pour rééquilibrer les instances», estime Fouzia, militante du parti. Sonné, le Mouvement de redressement dirigé par l'ancien ministre de la Santé se retrouve aujourd'hui dans l'expectative et n'a de cesse, depuis, de s'en prendre à Abdelkader Bensalah, accusé de ne pas avoir fait le «ménage» dans les rangs du parti. «Le Mouvement de redressement ne compte plus. Il s'est dilué dans les structures du parti, juge un militant. Guidoum n'a pas compris que son rôle prenait fin avec le départ d'Ahmed Ouyahia.» Homme de consensus plus que va-t'en-guerre, Abdelkader Bensalah ménage un retour éventuel de l'ancien Premier ministre sur le devant de la scène. Les deux hommes se connaissent bien et ont eu souvent à se côtoyer et à travailler ensemble. «Le président du Sénat et Ouyahia ont eu des trajectoires qui se sont souvent rejointes. Il ne faut pas oublier que le parcours de Bensalah a débuté bien avant l'arrivée de Bouteflika. Le secrétaire général par intérim du parti a été, comme la grande majorité des personnalités politiques, drifté par les services compétents.» Lors de son allocution prononcée à Zéralda le 20 septembre, le président du Sénat s'est abstenu d'appeler à un quatrième mandat pour le président Bouteflika. Il s'est contenté du service minimum : «Nous, au RND, nous continuons à croire à la sagesse des orientations et des choix du président de la République, a-t-il déclaré. Nous avons soutenu ses programmes durant toutes les étapes de leur exécution et nous poursuivons notre soutien». «Si Bensalah n'a pas appelé à un quatrième mandat, c'est qu'il a des informations que nous ne possédons pas, estime Fouzia. Il est au courant de beaucoup de choses.» Quand et comment ? C'est la grande question qui reste en suspens. Tout dépendra de l'évolution politique et de la décision du président de la République. Pour certains cadres du parti, la décision de tenir le quatrième congrès vers la fin décembre est une opportunité pour un retour éventuel de l'ancien secrétaire général. «D'ici le mois de décembre, on y verra plus clair, reconnaît Fodil. Il sera temps à ce moment-là pour Ouyahia de juger de la pertinence de son retour en politique. Cela dépendra également du signal qui lui sera envoyé par ses soutiens.»