A bien lire le démenti publié dans certains journaux par Amar Tou, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, on finirait par admettre que l'information rapportée par la presse concernant l'agression de la correspondante de Liberté, n'était qu'un ragot de journalistes ! « Je n'ai fait que toucher du revers de la main la serviette qu'elle tenait contre elle, en accompagnant les explications que je lui fournissais selon ma façon habituelle bien connue des journalistes... », a écrit le ministre de la Santé dans sa mise au point. Qui dit vrai ? Amar Tou ou les journalistes qui ont assisté à la scène ? En toute évidence, vingt professionnels de la presse ne pouvaient pas être pris, à la fois, par un délire hallucinatoire. On serait tenté de croire à la « bonne foi » du ministre s'il en était à sa première maladresse. Sauf que, dans le milieu de la presse, on connaît assez bien Amar Tou. On s'est presque familiarisé avec ses outrecuidances et ses impairs. A-t-il, un jour, pris au sérieux la question d'un journaliste ? Combien de fois a-t-il répondu aux interrogations de la presse par de pathétiques écarts de langage et combien de fois a-t-il tenu des propos intempestifs ? Une conférence de presse et toute autre sortie médiatique sont des choses très sérieuses pour les prendre à la légère. Elles se préparent avec des spécialistes et l'Algérie en a beaucoup. On n'apporte pas des réponses fantasmatiques à des questions délicates. Et surtout nul, fut-il ministre, n'a le droit d'offenser, de vexer ou d'humilier un journaliste ou tout autre citoyen. Dans le cas de Amar Tou, ce sont, dans une très large mesure, les femmes journalistes qui sont victimes de ses « mauvaises humeurs ». Des collègues parlent même de « passions machistes » de Amar Tou. De tels comportements et de telles tendances de la part d'un haut responsable de l'Etat dégradent l'image que les citoyens se font de la politique et entament la crédibilité des institutions de la République que ses serviteurs sont censés représenter. Interrogé par une consoeur sur les stocks de Tamiflu, le ministre, avec son habituelle mine dédaigneuse, a eu une réponse qu'on pourrait qualifier de bizarre et de grossière. « De quoi tu te mêles ? », avait-il répliqué. Une autre le questionna sur le risque de pandémie de grippe aviaire en Algérie. Avec ses manières pour le moins pédantesques, il avait estimé que « les oiseaux migrateurs ne traverseront pas le territoire national ». Les exemples similaires sont légion tant ce ministre est indélicat. Lors d'une conférence de presse sur la tuberculose, tenue au siège ministère, Amar Tou ne s'est aucunement gêné à discréditer, devant un parterre de journalistes, l'un de ses collaborateurs. Ce dernier était en train de lire le bilan du département de la santé concernant la lutte contre cette maladie avant que le ministre ne « l'invite » à se taire. N'est-ce pas là une drôle de façon de gérer la communication ? En tout cas, une telle conduite n'est pas uniquement l'apanage de Amar Tou. D'autres ministres et responsables se sont illustrés par des attitudes similaires. Tout le monde se souvient du congrès de redressement du FLN tenu à l'hôtel Aurassi. Les violences verbales et physiques ont été monnaie courante. Même dans les stades, nous n'avons jamais entendu autant d'insultes. Quelques jours auparavant, une salle de conférence aux Pins maritimes était transformée en champ de bataille par les « redresseurs ». La presse garde toujours la photo de Amar Tou fuyant les combats en passant par une « fenêtre de secours ». Bien qu'on se garde d'analyser la structure caractérielle de chacun, on pourrait présumer que cette façon de communiquer est héritée de l'époque sombre du parti unique. On ne parlait que pour imposer et on ne s'exprimait que pour interdire, limoger, menacer, condamner... Et quand la violence physique ou verbale fait partie de la culture des dirigeants, sincèrement on n'a rien à attendre d'une telle « élite politique ».