Le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a adressé, il y a une dizaine de jours, une correspondance au président de l'Assemblée nationale, dans laquelle il lui propose de présenter le bilan de son équipe pour l'année écoulée, entre le 24 et 31 mai prochains. Amar Saïdani devrait réunir incessamment le bureau de l'APN afin de fixer une date aux plénières consacrées à l'exposé du bilan du gouvernement et au débat général qui s'ensuivra. Dans sa lettre, Ahmed Ouyahia justifie l'intervalle suggéré par des contraintes de calendrier (la visite du président vénézuélien à Alger et le déplacement du chef de l'Etat algérien à l'étranger). Bien que pratiquement tous ses prédécesseurs ne se soient pas conformés à la disposition contenue dans l'article 84 de la Constitution, qui astreint le chef de l'Exécutif à “présenter annuellement, à l'Assemblée populaire nationale une déclaration de politique générale”, Ahmed Ouyahia a inscrit, depuis longtemps selon ses proches, dans son agenda son déplacement et celui de ses ministres au palais de l'avenue Zighoud-Youcef. Il risque, pourtant, de s'exposer à un feu nourri de critiques de la part des parlementaires (à l'exception certainement des élus de son parti), qui saisiront l'occasion pour plaire, d'un côté, au président de la République, et faire, de l'autre, une précampagne pour les législatives du printemps prochain. Depuis que le chef de l'Etat a vivement reproché, lors de sa sortie d'inspection dans les chantiers d'Alger en avril dernier, à certains membres du gouvernement leur immobilisme et leur manque d'initiatives, des partis politiques, à leur tête le FLN, s'en sont donnés à cœur joie pour invectiver le gouvernement, dans une volonté sous-entendue de mettre un terme à la longévité de Ahmed Ouyahia à la tête de l'Exécutif. D'ailleurs les présidents de groupes parlementaires FLN et MSP menacent de mobiliser leurs troupes dans l'objectif de voter une motion de censure contre le gouvernement Ouyahia, dans lequel ces deux partis contrôlent la majorité absolue des portefeuilles ministériels. L'article 84 de la loi fondamentale prévoit, en effet, “le dépôt d'une motion de censure par l'Assemblée populaire nationale”. Dans ce cas-là, le Chef du gouvernement présentera fatalement sa démission et celle de l'ensemble de ses ministres. Le président de la République a la possibilité soit de conforter le vote de l'APN en nommant un nouveau chef de l'Exécutif, soit faire usage “avant l'acceptation de la démission du gouvernement (sanctionné par les députés, ndlr) des dispositions de l'article 129 ci-dessous”. L'article 129 lui donne la prérogative, après consultation du président de l'Assemblée populaire nationale, du président du Conseil de la nation et du Chef du gouvernement de “décider de la dissolution de l'Assemblée populaire nationale ou d'élections législatives anticipées”. C'est dire que la démarche envisagée par le FLN, et dans une moindre mesure par le MSP à en croire les récentes déclarations de leurs chefs de groupes parlementaires respectifs, peut s'avérer lourde de conséquences pour le devenir de la Chambre basse du Parlement. Les expériences passées ont toutefois montré que les députés vont rarement, voire jamais, au bout de leurs résolutions, quand celles-ci ne convergent pas avec la volonté du gouvernement, et plus précisément avec celle du chef de l'Etat. On se rappelle la détermination affichée des élus FLN à rejeter, au nom de la souveraineté du Parlement, les onze ordonnances du président Bouteflika à l'ouverture de la session parlementaire de l'automne 2003. Pourtant, au moment du vote décisif, toutes les mains sont levées pour dire oui aux lois légiférées par ordonnance par le chef de l'Etat durant l'intersession parlementaire. Le même parti a promis un lynchage en règle de Ahmed Ouyahia, qui avait remplacé Ali Benflis à la tête du gouvernement en mai 2003, lorsqu'il exposera sa déclaration de politique générale à l'APN. Il n'en demeure pas moins qu'ils se sont abstenus de voter contre lui une motion de censure, bien qu'il ait présenté son programme dans l'ambiance effervescente qui a précédé l'élection présidentielle d'avril 2004. Souhila H.