L'université algérienne est à la croisée des chemins. La réforme de l'Enseignement supérieur imposée depuis une dizaine d'années et les élans annoncés du développement économique du pays placent de facto la formation au centre des enjeux. Aujourd'hui plus que jamais, l'adéquation entre le «produit» de l'université et les exigences des secteurs économiques et sociaux en termes de ressources humaines qualifiées est d'actualité. Eclairage. L'Université algérienne avance. Dans l'opacité, l'incohérence parfois et dans l'incompréhension souvent, mais elle progresse bien vers l'idéal qui est le sien : fournir une ressource humaine diplômée et qualifiée répondant aux exigences économiques et sociales du pays. Une dizaine d'années après l'introduction forcée et sans véritable débat du très controversé système LMD (2004-2005), et malgré la persistance d'une multitude de carences, la réforme de l'enseignement supérieur commence à révéler ses mécanismes d'adaptation au marché du travail. Ainsi, depuis la rentrée, une série de conventions a été signée entre des Universités et des organismes publics et privés dans l'objectif d'ériger cette passerelle indispensable entre les établissements de formation supérieure et le monde du travail. On notera durant cette période la signature de contrats entre l'Université de Sétif-2 et l'Ansej (agence de soutien à l'emploi des jeunes), celui des Universités de Bab Ezzouar (USTHB) et d'Oran (USTO) avec le Groupe Lafarge-Algérie, ou encore entre l'université de Constantine et Algérie Télécoms. Ce genre de conventions entre les établissements de l'enseignement supérieur et les entités économiques est la pierre angulaire du système LMD dont la finalité est de répondre par une qualité (et quantité) de formation adaptée aux exigences du modèle économique préétabli. Et c'est là où réside toute la complexité de l'adaptation de l'université algérienne à ce «produit miracle» vendu aux pays émergents lors du processus de Bologne (1999), le LMD. Rompant avec la politique de «la formation pour la formation», ce système mise essentiellement sur une instruction «professionnalisante» conforme à la demande du marché du travail. Donc, il exige l'établissement d'un maillage solide de passerelles entre les universités et les entreprises afin d'élaborer des programmes de formation à la carte, instituer des stages professionnels et adapter la recherche scientifique aux besoins du développement. C'est donc un mécanisme complexe qui ne se limite pas aux compétences pédagogiques du personnel d'encadrement universitaire. En clair, avec le LMD, le développement de l'Université n'est plus exclusivement tributaire des choix et orientations de formations concoctées en intra-muros. Désormais, il dépend en grande partie de l'environnement général, de la stratégie de développement national et de la dynamique impulsée par les acteurs économiques et sociaux, publics et privés. Dans une récente sortie sur le terrain, le premier ministre, Abdelmalek Sellal, a affirmé de Tébessa que la promotion des ressources humaines constituait l'investissement le «plus rentable» pour l'économie nationale. Cette évidence transparaît bien dans les enveloppes budgétaires consacrées à l'enseignement supérieur, comme les 868 milliards de DA prévus dans le programme de développement quinquennal qui affecte également 250 mds DA à la recherche scientifique. Mais cela n'a pas réduit conséquemment le taux de chômage chez les promus de l'université qui oscille entre 25 et 26%. La réalité du moment de l'université algérienne, c'est un coût de diplômé rapporté au PIB par habitant de l'ordre de 600% (38% est la moyenne OCDE) et un déficit élevé en compétence décrié par 37% d'entreprises. Il apparaît donc clair que la promotion de la ressource humaine n'est pas seulement une question de financement ou de mise à disposition de nouvelles places pédagogiques ou de restauration. La valorisation de cette ressource passe par l'élaboration d'une véritable vision stratégique, une politique de développement à même d'absorber et d'exploiter les compétences. Lors de la visite de travail effectuée à Tébessa, Abdelmalek Sellal a indiqué que la tripartite, prévue pour demain, devrait aboutir à une Charte englobant les grandes orientations «à même de consacrer le développement économique et de consolider les investissements». Seulement, à aucun moment, ni dans l'annonce des grandes lignes du débat de cette rencontre ni dans le compte rendu du très attendu Conseil des ministres du 25 septembre les mots «formation» ou «Université» n'ont été cités. La tripartite palliera-t-elle cette «omission» ?