Le nouveau siège du ministère des Affaires étrangères, trônant sur le plateau des Annassers est assez impressionnant. Cet imposant bâtiment blanc de style néomauresque arbore, néanmoins, une tache noire : son service d'état civil. Chaque jour, c'est le même calvaire qui se répète pour les Algériens qui ont la «malchance» d'être nés à l'étranger. Centralisation bureaucratique oblige, les 48 wilayas sont concentrées ici. Même ceux qui résident à Illizi ou Tinzaouatine, sont contraints de faire le déplacement jusqu'à Alger, dans des conditions, on l'imagine, épiques, pour se faire établir un extrait de naissance n°12 ou un «12-S». C'est le cas de Mohamed Bachou, un Targui de Tam qui a vu le jour à Gao (Mali) un jour de 1982. Accompagné de deux autres Tamanrassetois en tenue traditionnelle, Mohamed erre dans les allées du ministère comme une âme en peine depuis… une semaine. Oui. Une semaine ! «Nous avons voulu mettre à profit notre déplacement pour retirer les papiers pour toute la famille moyennant une procuration, mais on nous a dit que nous avions droit à seulement deux papiers par jour et par procuration», explique Mohamed. Faute d'une antenne des AE dans le Grand-Sud, Mohamed et ses compagnons ont dû donc «se taper» 2000 km de route pour se faire délivrer leurs papiers. «Cela nous revient cher, entre les frais de transport et les frais d'hôtel, sachant que nous payons 1000 à 1200 DA par nuitée», dit Mohamed. Dans une aile du MAE, deux salles pleines à craquer délivrent, à un rythme industriel, des papiers administratifs à une foule de citoyens. Devant le peu de bancs disponibles, des femmes et des hommes âgés sont allongés à même le sol, sous un préau. Un distributeur de café est pris d'assaut par des administrés prenant difficilement leur mal en patience. Un distributeur de tickets est mis à la disposition du public pour éviter les chaînes trop fastidieuses. Sur un tableau électronique défilent des numéros astronomiques. «Moi, j'ai hérité du numéro 685. Je vais attendre toute la journée», lance Mohamed. «Tous les jours, on pointe ici à partir de 6h du matin, et malgré cela, nous n'avons jamais les bons numéros». Comprendre ceux des 100 premières places, les plus prisées. Ce qui turlupine Mohamed, c'est le certificat de nationalité. «On nous l'exige à tout va, que ce soit pour le travail ou pour scolariser nos enfants. J'ai eu à déposer le dossier de nationalité au tribunal de Tamanrasset mais ma demande a été rejetée. J'ai été orienté vers le tribunal d'Alger, et là, je souffre le martyre pour l'obtenir», appuie-t-il. El Hadj Mustapha, 32 ans, a fait, pour sa part, le déplacement depuis El Ménéa (270 km au sud de Ghardaïa). 870 km pour se faire légaliser son diplôme. Sur son jeton, il est marqué 255. «Je suis ingénieur en électromécanique. Je viens d'obtenir une offre de travail aux Emirats. Et pour mon dossier d'embauche, je dois avaliser mon diplôme ici, ensuite, je dois l'emmener à l'ambassade des Emirats arabes unis pour validation moyennant un timbre fiscal de 3600 DA», explique Mustapha, avant de poursuivre : «J'ai pris la route hier. Le ticket de bus est à 1200 DA. Ajoutez à cela les frais d'hôtel. J'ai payé ma chambre à 4000 DA. En tout, ce simple document va me revenir à plus de 10 000 DA. Pourquoi ne pas décentraliser ces services et créer une antenne pour les gens du Sud au lieu de déplacer des populations entières ?» Et d'asséner : «C'est tout cela qui me pousse à partir. Ici, on nous complique trop la vie et on ne respecte pas les compétences.»