La désignation d'un nouveau chef de gouvernement consensuel est l'une des missions fondamentales du dialogue national en Tunisie et elle est en train d'être mise en œuvre. Le nom le plus cité est celui de Mohamed Ennaceur, ex-ministre des Affaires sociales sous Bourguiba, qui a également fait partie du gouvernement de Béji Caïd Essebsi. Tunis De notre correspondant La désignation d'un nouveau chef du gouvernement consensuel est l'une des missions fondamentales du dialogue national. En ces temps de crise généralisée, la tâche s'annonce âpre. Le nom le plus cité est celui de Mohamed Ennaceur, ex-ministre des Affaires sociales sous Bourguiba. C'est un modéré. Il a également fait partie du gouvernement de Béji Caïd Essebsi (BCE). Mais, d'abord, sera-t-il accepté par tous les bords ? Acceptera-t-il de tenir la barre ? La commission du processus gouvernemental au sein du dialogue national a fixé à hier soir la remise des noms des candidats pour le poste de chef du gouvernement. L'alliance d'extrême gauche, le Front populaire, dont le porte-parole est Hamma Hammami, a décidé de ne pas présenter de candidat. Nidaa Tounes, le parti de BCE, s'est également abstenu de présenter un candidat. Le parti politique du président du bloc démocratique à l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mohamed El Hamedi, le «courant démocratique», a présenté, quant à lui, deux candidats : Mohamed Ennaceur et Jalloul Ayed, ex-ministre des Finances dans le gouvernement de transition de BCE. Le nom de Mohamed Ennaceur a été également cité par le courant El Aridha chaâbia (la pétition populaire) ainsi que par le Mouvement du Tunisien pour la liberté et la dignité, qui l'a présenté aux côtés de celui du président dudit parti, Mohamed Ayachi Ajroudi. Il y a toutefois un hic. Mohamed Ennaceur serait affecté par le récent décès de son fils ainsi que par la maladie de son épouse. Attendons donc pour voir. D'autres noms ont filtré, dont celui de l'ex-ministre de la Défense, Abdelkrim Zebidi. Mais il paraît qu'il «ne serait pas chaud pour mener une telle mission», selon des sources de son entourage. Jusqu'en début de soirée, le candidat du mouvement Ennahdha n'était pas encore connu. Le président du bureau politique du mouvement, Ameur Laârayedh, a dit en milieu de journée qu'Ennahdha «n'avait pas encore de candidat». Même chose du côté du parti Ettakattol du président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar. Ballon-sonde et calculs politiques Une rumeur insistante évoque toutefois la candidature d'Ahmed Mestiri au nom d'Ennahdha. Cet ex-ministre des premières heures de Bourguiba, figure de proue de l'opposition depuis 1971, est très âgé et, surtout, inapte à assurer un grand travail. «S'il s'affirme qu'Ennahdha a présenté Mestiri, c'est que les islamistes veulent une personnalité faible à la tête du gouvernement pour garder leur mainmise sur l'appareil», a fait remarquer le politologue Hamadi Redissi, qui a toutefois présumé que «les islamistes sont suffisamment intelligents pour ne pas jouer ce coup qui pourrait donner de mauvais signaux aux partenaires étrangers de la Tunisie». Concernant l'absence d'un candidat de Nidaa Tounes, H. Redissi a estimé que «c'est une attitude raisonnable car tout candidat du parti de BCE sera contré par les islamistes et vice versa, à tort ou à raison». «Ennahdha et Nidaa Tounes devraient se limiter à arbitrer entre les candidats et évaluer leurs compétences à remplir la mission», a conclu le politologue. Il est par ailleurs utile d'avoir un aperçu des missions qui attendent le futur chef du gouvernement, en s'attardant sur le fait que tous les ratios ont déjà viré au rouge en Tunisie. La crise n'est pas uniquement politique, elle est généralisée. Le futur n°1 aura donc à affronter plusieurs problématiques de premier ordre, en parallèle avec sa mission fondamentale de mener le pays lors des prochaines échéances électorales. Une situation sociale et sécuritaire difficile Il y a, d'abord, la situation sécuritaire qui n'a jamais été aussi dangereuse avec des attaques terroristes meurtrières et des découvertes alarmantes de caches d'armes et d'explosifs. Il y a, aussi, la situation économico-financière qui est catastrophique, à un point tel que la BAD a refusé de continuer à soutenir la Tunisie. Sans parler de la dimension socioéconomique avec une inflation galopante dépassant les 6% que le pays n'a jamais connue durant les trois dernières décennies. Enfin, le chômage et la précarité continuent à sévir à travers le pays ; les populations déshéritées n'ont pas senti les retombées de la révolution et commencent à s'impatienter. Le futur chef du gouvernement est ainsi appelé à parer au plus pressé avec ces problèmes et à jouer la montre en attendant les heureux élus des prochaines échéances électorales auxquelles il ne se présentera pas, ni lui ni son équipe réduite. Sa mission sera certes limitée dans le temps. Mais il n'a pas droit à l'erreur et n'aura pas le préjugé favorable de l'euphorie révolutionnaire dont a bénéficié Béji Caïd Essebsi lors de son passage, de mars à décembre 2011. Actuellement, les Tunisiens sont encore en phase d'espoir et la concurrence agressive ne s'est pas encore installée sur la scène politique. La Tunisie a déjà vécu des crimes politiques. En dépit de la difficulté du choix, le dirigeant de Nidaa Tounes, Lazhar Akermi, pense que «les registres de l'Etat tunisien regorgent de compétences. Il suffit de faire le bon casting». Pour Akermi, le prochain chef du gouvernement doit être une personnalité «centriste pour être acceptée par les islamistes et les démocrates ; dynamique pour faire des journées de 16 heures ; expérimentée pour faire face aux situations difficiles et assimiler facilement les dossiers ; consensuelle pour rapprocher entre les tendances ; clairvoyante pour comprendre et convaincre». La Tunisie espère.