Le Dialogue national se retrouve aujourd'hui face à sa première véritable épreuve avec la deadline de la nomination du nouveau chef du gouvernement. Tunis. De notre correspondant
Le favori Mohamed Ennaceur attend encore le visa des islamistes d'Ennahdha qui jouent la carte grillée d'Ahmed Mestiri. La Tunisie retient son souffle. Les islamistes d'Ennahdha soufflent le chaud et le froid sur la question du nouveau chef du gouvernement. Leur position oscille entre l'éventualité de prolongations, voire d'un candidat du temps perdu, comme le laisse entendre leur porte-parole, Zied Laâdhri, et le soutien à la candidature d'Ahmed Mestiri. Le soutien à Ahmed Mestiri est toutefois rejeté par le concerné, qui se veut candidat indépendant. Il n'empêche qu'Ennahdha a bataillé dur pour remettre la candidature de Mestiri sur l'arène du Dialogue national, après une certaine éclipse due à des propos flous du concerné laissant entendre qu'il ne serait pas intéressé. Le quartette parrainant le Dialogue national se retrouve donc sur la dernière ligne droite avec quatre candidats que nous citons dans l'ordre : le superfavori Mohamed Ennaceur, Ahmed Mestiri, Mustapha Kamel Nabli et Jalloul Ayed. Le manque d'expérience politique est le principal handicap de ce dernier. Il n'a exercé qu'en 2011 comme ministre des Finances du gouvernement de transition. Les trois autres sont par contre de véritables hommes d'Etat… Mais, pour la présidence du gouvernement en cette phase transitoire marquée par une crise profonde, Mustapha Kamel Nabli est relégué au deuxième plan, car il s'agit plutôt d'un expert dans le monde de l'économie et des finances et pourrait s'occuper de ce pôle dans le futur gouvernement. Ennaceur, favori mais… incertain Depuis les premières fuites, dimanche dernier, sur la liste des candidats présentés par les partis politiques pour le poste du futur chef de gouvernement, il était clair que le nom de Mohamed Ennaceur émerge du lot, du moment qu'il est l'unique à avoir un profil adéquat avec le poste à pourvoir. Il faut se rappeler que, suite à l'imminent départ de Mohamed Ghannouchi en mars 2011, il était nominé avec Béji Caïd Essebsi pour occuper le poste. Donc, ce n'est que justice s'il supervise une transition similaire. Militant de première heure et deux fois ministre des Affaires sociales sous Bourguiba, de 1974 à 1977 et de 1979 à 1985, avant de faire son retour en 2011 dans le gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, M. Ennaceur est une personnalité connue dans le monde du droit social. Il a été parmi les ministres démissionnaires à la veille de la crise du 26 janvier 1978. Depuis 1985, il est entre l'associatif, l'académique et les droits de l'homme, ce qui lui a valu la sympathie de l'opposition tunisienne. Comme indiqué dans nos précédentes éditions, M. Ennaceur a été nominé par plusieurs partis politiques (Ettakatol, l'Alliance démocratique, le Courant de l'amour, le Parti tunisien de la liberté et la dignité), avant de devenir le candidat soutenu par une large frange des partis présents au Dialogue national. Il lui manque toutefois le cautionnement d'Ennahdha. Et comme le candidat recherché est appelé à avoir l'aval de tous les partis, la nomination de Mohamed Ennaceur devient incertaine. L'énigmatique Mestiri Depuis le début des tractations, il a été dit qu'Ahmed Mestiri est le candidat d'Ennahdha. Toutefois, avec l'avancement des éliminations, la candidature de Mestiri a flanché, vu qu'il est d'un âge avancé et, surtout, qu'il n'est pas bien portant. Or, l'un des critères requis pour le poste de chef du gouvernement est le dynamisme. Des bruits ont même couru sur son désistement en même temps que celui de Mansour Moalla. Mais il s'agissait finalement de propos à plusieurs interprétations, dans la logique d'Ennahdha. «Ahmed Mestiri est candidat, mais il ne se réclame de personne», a fini par dire le porte-parole du Dialogue national, Hassine Abbassi, après sa rencontre avec Mestiri. Cette mise au point devenait nécessaire après l'annonce publiée par l'agence Tunis Afrique Presse (TAP) : «Mestiri : je ne suis pas candidat.» Il y aurait toute une mise en scène pour redonner du tonus à cette candidature. Mestiri aurait accédé au vœu exprimé par Maya Jribi, secrétaire générale du Parti républicain, de le voir maintenir sa candidature. Pour soutenir un tel vœu, Ahmed Néjib Chebbi a déclaré que «Béji Caïd Essebsi était dans la même tranche d'âge lorsqu'il a assuré la transition en 2011». «Ce n'est pas vrai», lui réplique le porte-parole de Nidaa Tounes, Lazhar Akermi. «S'il est vrai que ce n'est pas une question d'âge, quoique Si Béji soit plus jeune de cinq ans, ce qui est important, c'est la capacité de diriger le pays en cette phase difficile. Et la question est légitime de savoir si Sid Ahmed peut assumer une telle tâche difficile», poursuit-il. Le Front populaire s'oppose à la candidature de Mestiri et considère qu'il ne répond pas au critère du dynamisme requis chez les candidats. Par contre, Ennahdha s'y attache car il est connu que les relations entre Mestiri et Caïd Essebsi ne sont pas au beau fixe, et ce, depuis l'ère Bourguiba. Et puis, Ennahdha ne veut pas d'un chef de gouvernement très dynamique, qui risque de lui jouer un mauvais tour à propos de sa mainmise sur les rouages de l'Etat. Donc, Ahmed Mestiri lui convient. Pour ce qui est du Parti républicain, en ramenant Mestiri, Néjib Chebbi a rendu ce «service» à Ennahdha dans l'espoir d'un renvoi d'ascenseur pour la présidence de la République. Le tableau de bord n'est pas du tout clair. Une véritable épreuve pour le Dialogue national.