L'espoir de voir le régime de Bachar Al Assad et l'opposition syrienne s'asseoir à une même table avant la fin de l'année, comme le souhaite l'émissaire spécial des Nations unies et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, pour négocier une issue politique à la crise reste très mince. Et pour cause : les discussions, mardi à Genève, sur la Syrie entre M. Brahimi et représentants russes et américains ont à nouveau échoué à fixer une date pour une conférence Genève 2. Lakhdar Brahimi a évité d'énumérer les points de divergences qui n'ont pas permis un accord. Néanmoins, il n'a pas caché que le gros du problème venait actuellement beaucoup plus de «l'opposition syrienne», «divisée», qui n'est donc «pas prête». «L'opposition est l'un des problèmes», a-t-il déclaré. «Il doit y avoir deux délégations pour la Syrie à Genève 2, le gouvernement et l'opposition», a répété le vétéran de la diplomatie algérienne et onusienne. L'opposition doit se réunir le 9 novembre à Istanbul pour décider de sa participation. Mais il ne faut pas s'attendre à un miracle. Le Conseil national syrien (CNS), le groupe le plus important de la Coalition de l'opposition – «coachée» depuis Doha, Riyad et Istanbul –, a d'ores et déjà annoncé la couleur. Ses chefs ont, en effet, soutenu qu'ils n'iraient pas à Genève et menacé de faire scission si la Coalition y assistait. Malgré ce refus «catégorique», l'émissaire spécial des Nations unies et de la Ligue arabe pense toutefois que la paix est toujours possible en Syrie et que Genève 2 n'est pas hypothéquée. Il a, en tout cas, exprimé «l'espoir» qu'une date puisse être fixée «pour avant la fin de l'année» et a annoncé une nouvelle réunion tripartite à Genève le 25 novembre. M. Brahimi dit fonder son espoir sur le fait qu'il n'y ait «pas de solution militaire». «Le gouvernement ne va pas gagner, pas plus que l'opposition, sur le terrain», a estimé M. Brahimi. «Combien de temps va-t-on fournir trois, quatre, cinq milliards de dollars tous les six mois pour la Syrie ? Ce n'est pas possible», a averti M. Brahimi. Dans le même ordre d'idées, il a tenu par ailleurs à rappeler que ce conflit, qui dure depuis mars 2011, provoque actuellement le départ de Syrie de «6000 personnes chaque jour». Donc, pour Lakhdar Brahimi, les choses sont évidentes. Les deux parties finiront bien par négocier un jour. Autant que cela soit le plus tôt possible car la communauté internationale risque de se détourner de ce conflit qui commence à devenir financièrement coûteux. L'optimisme de Brahimi Il faut dire que les arguments avancés par l'ancien diplomate algérien se tiennent. Et pour lui, les choses peuvent encore évoluer dans le bon sens du moment qu'«un travail intensif a été accompli (…)». Ainsi, il a souligné avoir demandé à l'opposition syrienne «de venir avec une délégation crédible». «Les différentes composantes de l'opposition syrienne sont en contact les unes avec les autres, c'est une des choses qu'ils doivent décider», a-t-il dit. Le refus du CNS d'aller à Genève 2 ne serait-il donc que de la surenchère ? Là-dessus, la situation sera probablement plus claire le 9 novembre prochain. En tout cas, l'optimisme de Lakhdar Brahimi semble être partagé par les «parrains» du dialogue inter-syrien. A commencer par Washington. Un haut responsable américain, se déclarant «pas du tout déçu» (concernant le résultat de la réunion de mardi, ndlr) a ainsi affirmé avoir «l'espoir que la conférence ait lieu avant la fin de l'année». «C'est un processus long et compliqué, si la coalition de l'opposition a besoin de quelques semaines de plus pour se préparer (...) nous voulons les soutenir», a-t-il dit sous le couvert de l'anonymat. Un petit bémol néanmoins. L'ambassadrice américaine à l'ONU a répété que Bachar Al Assad n'était pas légitime pour diriger la Syrie malgré sa promesse de détruire toutes les armes chimiques. En clair, Bachar Al Assad doit partir, pour Washington. «La conférence doit avoir lieu sans condition préalable», a toutefois souligné M. Brahimi. En référence aux discussions de Genève, plusieurs acteurs majeurs du conflit continuent de réaffirmer des positions diamétralement opposées sur l'avenir du président Al Assad. Lundi, le ministre syrien de l'Information avait averti que le régime d'Al Assad ne comptait pas participer à cette conférence «pour remettre le pouvoir», comme le réclament ses adversaires. «Nous n'irons pas à Genève pour remettre le pouvoir comme le souhaitent (Saoud) Al-Fayçal (chef de la diplomatie saoudienne) et certains opposants à l'étranger», a affirmé le ministre Omrane al-Zohbi. A l'inverse, l'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, dont le pays soutient avec l'Arabie Saoudite militairement et financièrement le soulèvement, a estimé qu'on ne pouvait pas imposer au peuple syrien des négociations «sans conditions» et «sans calendrier précis», comme le demande Moscou. Autre point de divergence entre Russes et Américains : la participation de l'Iran, avec la demande répétée par le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, mardi à Moscou d'une invitation de Téhéran. Sur ce point «les discussions ne sont pas terminées», a relevé M. Brahimi. Bref, il est aisé de se rendre compte que les divergences sont des plus nombreuses. Tellement nombreuses que l'année 2013, comme 2012, risque de se terminer malheureusement sous les bombes pour les Syriens. En dehors de cette histoire de timing, tout le monde convient tout de même que le plus important est de faire surtout en sorte à ce que «Genève 2» ne connaisse pas le même sort que «Genève I», une réunion qui avait bien approuvé un plan pour une transition politique le 30 juin 2012 mais qui n'a finalement jamais pu être exécuté.