Manœuvres diplomatiques à Munich (Allemagne) sur la Syrie. Le sommet traditionnellement consacré à la sécurité en Europe s'est transformé en concertation mondiale sur la crise syrienne. Le chef de l'opposition syrienne, Moaz Al-Khatib, a raflé la vedette de la rencontre en s'entretenant avec les représentants de tous les grands Etats concernés de près ou de loin par le dossier de la Syrie. Al-Khatib a ouvert son marathon diplomatique par un long entretien avec le médiateur onusien Lakhdar Brahimi, qui, au terme de sa dernière visite à Damas, avait clairement signifié son courroux contre le président Bachar Al-Assad, toujours enfermé dans sa logique et ses propositions de sortie de la crise, balayant d'un revers de main ce qui se passe dans son pays depuis deux années. On rappelle que l'ambassadeur algérien a fini par présenter un plan de sortie de crise qui se fonde sur la Déclaration de Genève de 2012, qui a l'avantage d'avoir été agréé par les Russes, les Américains, l'Union européenne et la Ligue arabe, un texte consensuel qui prône un gouvernement d'union national et la possibilité pour le président syrien de quitter le pouvoir en douceur au terme de son mandat en 2014. Les Iraniens, soutiens de Bachar Al-Assad, ont eux aussi fini par adhérer à ce plan. Al-Khatib devait ensuite rencontrer le ministre russe des Affaires étrangères qu'il avait évité jusqu'ici. Le président de la Coalition nationale syrienne (CNS) a reçu de Sergeï Lavrov une “invitation claire" à se rendre en Russie, qui était jusqu'alors avec l'Iran le soutien le plus solide du président syrien Bachar Al-Assad. Il y deux semaines, le Premier ministre russe avait implicitement laissé entendre au sommet économique mondial de Davos (Suisse) que Bachar Al-Assad est historiquement fini ! “La Russie a sa vision des choses, mais nous accueillons avec satisfaction l'idée de négociations en vue de soulager la crise, et il y a beaucoup de choses dont nous devons discuter", a dit Al-Khatib à l'issue de sa rencontre avec le chef de la diplomatie russe. Moscou et Pékin, qui disposent d'un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, ont bloqué à trois reprises un projet de résolution condamnant la répression menée par le régime syrien de Bachar Al-Assad. Après avoir rencontré les représentants de pays soutenant Damas, Moaz Al-Khatib s'est alors entretenu avec le vice-président américain, Joe Biden, et l'émissaire spécial des Nations unies sur la Syrie, Lakhdar Brahimi. Ce dernier a fait part de son pessimisme quant aux chances de trouver rapidement une solution, tant que l'immobilisme est de mise. Ni le peuple syrien ni les pays de la région n'ont été capables de trouver une issue au conflit, a souligné Lakhdar Brahimi,devant la conférence, jugeant que c'était à la communauté internationale dans son ensemble et aux membres du Conseil de sécurité de surmonter leurs divergences sur le dossier. A l'issue de son entretien avec Al-Khatib, Brahimi lui a déclaré : “Vous êtes le dernier espoir. Faites votre travail." S'exprimant sur le dossier, Joe Biden, quant à lui, a regretté le manque de coordination internationale sur les moyens de sortir d'un conflit qui a fait plus de 60 000 morts depuis mars 2011, rejoignant le cri de l'envoyé de l'ONU contre les membres de l'ONU qui se sont complus dans le chaos dans lequel est plongé le peuple syrien. “Personne ne peut douter du sort de plus en plus désespéré du peuple syrien et de la responsabilité de la communauté internationale à cet égard", a souligné le n°2 de la Maison-Blanche. Joe Biden a également invité l'opposition syrienne à se montrer “plus ouverte et plus soudée", allusion aux sévères critiques d'opposants contre Moaz Al-Khatib quand celui-ci s'est dit prêt à discuter de transition avec des responsables de Damas sans poser explicitement le départ de Bachar Al-Assad comme préalable. La question est est-ce que “la souplesse" dont Moaz Al-Khatib a fait preuve en n'exigeant pas formellement le départ de Bachar Al-Assad serait agréée par l'ensemble de l'opposition syrienne, notamment ceux qui utilisent les armes ? Ensuite, jusqu'au jour d'aujourd'hui, rien n'indique encore que les points de vue entre Washington et Moscou se sont rapprochés, particulièrement sur l'avenir de Bachar Al-Assad. Ce qui est crucial pour faire avancer le dossier syrien. La Maison-Blanche, a encore dit Joe Biden à Munich, est convaincue que le président Al-Assad, un “tyran farouchement déterminé à s'accrocher au pouvoir", n'est plus habilité à diriger le peuple syrien et doit partir. D. B